Quels conflits à l’horizon 2060 ?
Que sera la guerre en 2060 ? Personne ne sait répondre à cette question. Pourtant, la génération de militaires actuellement en formation connaîtra, tous les observateurs s’accordent à le dire, le feu sur terre, sur mer ou dans les airs.
Ainsi, s’il n’y a pas de doute sur la quoddité de la guerre, il y a ignorance ou conjecture quant à la quiddité des conflits futurs, la forme qu’ils pourraient revêtir.
Pour anticiper des situations variées, le Ministère des Armées associé à l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL, nouveau nom de la Sorbonne) a fait appel aux auteurs ou dessinateurs français ou francophones de science-fiction et de romans noirs, intégrés et associés à des analystes et des chercheurs dans une « red team », qualifiée de « commando », qui a produit plusieurs scénarii.
L’ensemble du travail est classifié, mais la Défense a publié ces quatre extraits afin de faire connaître ce travail, qui se présente comme un polar d’anticipation.
Il ne s’agit pas d’inventer de nouvelles armes, mais bien d’imaginer des situations inouïes ou hors de portée intellectuelle pour l’instant, qui pourraient cependant survenir : elles permettent de se positionner, de créer des exercices, de l’entraînement, de se confronter à ce que l’on saurait faire… ou pas, l’étude de nos vulnérabilités n’étant pas le moindre apport de cette talentueuse task force.
Et quelle diversité : émergence d’une nouvelle nation pirate née des changements climatiques, hacking possible des implants neuronaux, émergence de sphères communautaires développant une réalité alternative, fragmentation du réel, crises environnementales, bioterrorisme, guerres cognitives s’appuyant sur la désinformation de masse, polarisation du monde en hyperforteresses et hypercloud…
Fabienne Casoli (présidente de l’Observatoire de Paris Sciences & Lettres) précise les contours de l’usage de la fiction ; elle évoque l’ascenseur spatial construit par 22 pays européens, qui a pris la suite des fusées Ariane, et qui apparaît dans un récit racontant l’attaque de Kourou par une nation pirate, la « P Nation » : on ne saurait pas le créer actuellement, pas plus que les mini-sondes mentionnées plus loin, et qui consommeraient actuellement le dixième de l’énergie mondiale disponible.
Mais il existe déjà des matériaux qui permettent d’envisager ce genre d’outil ou d’engin pour le futur. La science-fiction invite donc à repousser les limites, à laisser la pensée se promener dans l’écart entre le possible et l’impossible, entre le réaliste et l’imaginé. Chose aisément transposable à l’art militaire : depuis que la guerre existe, la surprise stratégique a souvent été la clé d’une victoire, ou d’une innovation durable, pour obtenir le fameux « coup d’avance » qui emportera la victoire. Du feu grégeois des Croisades au virus informatique, même combat.
Même si, comme l’écrit le préfacier, Cédric Denis-Rémis, « le futur ne sera jamais certain […], je vous invite à […] relire dans dix ans ces prédictions ». Une partie d’un scénario évoque l’évacuation de 200 000 ressortissants européens par les forces armées : comment l’imaginer se déroulant bien dans l’urgence, y compris du point de vue politique, et compliquée par tous les problèmes techniques imaginés par les auteurs, alors même que l’évacuation de quelques centaines de personnes d’Afghanistan a posé récemment tous les problèmes que l’on sait ?
yann-loic andré
Red Team (collectif), Ces guerres qui nous attendent : 2030-2060, Paris Sciences & Lettres – Équateurs, 2022, 224 p. – 18,00 €.