La cerisaie (Anton Tchekhov / Tiago Rodrigues)

Une séré­nade au temps perdu

Une ran­gée de sièges en plas­tique sur scène, un lec­teur assis face au public, quelques mou­ve­ments au fond du pla­teau. Le pré­sen­ta­teur, Adama Diop, dans la conti­nuité des recom­man­da­tions d’usage, entraîne le public dans la nar­ra­tion. Rapi­de­ment sur­git une fête, célé­bra­tion chan­tée et dan­sée d’on ne sait quel évé­ne­ment, pour­quoi pas le prin­temps.
D’emblée Tiago Rodrigues dyna­mite le pro­pos de Tché­khov : plu­tôt qu’un dia­logue inti­miste sur des affaires de famille, il en fait un échange d’invectives entre sal­tim­banques. La répé­ti­tion des mêmes répliques per­met d’en faire un refrain et les met en valeur. Par la suite, la teneur fami­liale et patri­mo­niale de la pièce appa­raît dans ses pesan­teurs. Mais, à la faveur de la fête, de la musique, on assiste à une sara­bande, à une séré­nade au temps perdu qui nous entraîne dans ses charmes cocasses, ceux de l’inexorable bous­cu­le­ment des choses.

Peu à peu les carac­tères se dif­fé­ren­cient, appa­rais­sant dans leur contraste et leur vigueur. Le met­teur en scène par­vient à mettre en relief les dif­fé­rents per­son­nages ; il crée des évé­ne­ments, pré­sente une un spec­tacle dyna­mique, rythmé par les rifs de gui­tare et les bal­lets en forme d’impromptus cha­lou­pés.
On assiste à une repré­sen­ta­tion vivace et inven­tive, qui explore les belles poten­tia­li­tés du texte, certes par­fois aux dépens de l’unité de la démarche.

Toute­fois, il s’agit bien d’une mise en ins­tance des per­sonnes et des choses, d’une inter­ro­ga­tion sur le temps qui passe, sur la mue insen­sible de ce qui est. C’est le récit d’une éman­ci­pa­tion, vio­lente et tendre, en même temps que la mise en évi­dence de l’inertie des êtres. Le spec­tacle est cru et fluide; il sert bien le texte de Tché­khov.
A terme le pla­teau se dépouille, lais­sant les comé­diens, et au pre­mier chef Isa­belle Hup­pert, seuls face à leur désar­roi qui se change en détresse. La déli­ques­cence pro­gres­sive de la tem­po­ra­lité se ter­mine en mono­logues ténus.

chris­tophe giolito


La ceri­saie

D’Anton Tche­khov

Mise en scène Tiago Rodrigues

Tra­duc­tion André Mar­ko­wicz, Fran­çoise Mor­van ; col­la­bo­ra­tion artis­tique Magda Bizarro, scé­no­gra­phie Fer­nando Ribeiro ; lumière Nuno Meira ; cos­tumes José Antó­nio Tenente ; maquillage/coiffure Syl­vie Cailler, Joce­lyne Milazzo ; musique Hél­der Gon­çalves (com­po­si­tion), Tiago Rodrigues (paroles) ; son Pedro Costa ; assis­tant à la mise en scène Ilyas Mettioui.

Photo : Chris­tophe Ray­naud de Lage

Au Théâtre de l’Odéon, Place de l’Odéon, 75006 Paris https://www.theatre-odeon.eu/fr/saison-2021–2022/spectacles-21–22/la_cerisaie_2122

Du 7 jan­vier au 20 février, durée 2h10, du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h.

Pro­duc­tion Fes­ti­val d’Avignon, copro­duc­tion Odéon-Théâtre de l’Europe, Théâtre natio­nal Dona Maria II – Lis­bonne, Théâtre natio­nal Popu­laire de Vil­leur­banne, Comé­die de Genève, La Cour­sive – scène natio­nale de la Rochelle, Wie­ner Fest­wo­chen, Comé­die de Clermont-Ferrand, Natio­nal Tai­chung Thea­ter – Taï­wan, Tea­tro di Napoli – tea­tro nazio­nale, Fon­da­zione Cam­pa­nia dei Fes­ti­val – Com­pa­nia Tea­tro Fes­ti­val, Théâtre de Liège, Inter­na­tio­naal Thea­ter Amster­dam, avec le sou­tien de la Fon­da­tion Calouste Gul­ben­kian, avec la par­ti­ci­pa­tion artis­tique du Jeune théâtre natio­nal, avec le sou­tien du Cercle de l’Odéon.

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