Qu’ils sont beaux ces maudits !
Après Zaroff (2019), Moreau (2021), les Éditions Ankama proposent Shelley, le dernier volet de la trilogie de Philippe Pelaez Maudit sois-tu.
Cette série met en scène des personnages, entre mythe et réalité, qui font figures de maudits. L’intrigue de ce volume s’appuie sur deux principaux personnages, Mary Shelley et John Polidori.
Le récit débute à Torquay, en mai 1815, quand Mary Godwin, anéantie par la mort de sa petite fille, s’interroge sur les fautes qu’elle a pu commettre pour être ainsi punie. Puis on la retrouve à Rome, en juin 1819, pour supplier John Polidori de sauver son petit William. Mais celui-ci n’a pas accepté l’humiliation qu’elle lui a fait subir en Suisse pendant l’été 1816.
À cette époque, elle est fascinée par lui et ses récits scientifiques, par les possibilités offertes par l’électricité. C’est à partir de ses récits, de la perte de sa première petite fille qu’elle imagine Frankenstein. Et puis, Polidori, obsédé par la possibilité de redonner vie, va s’engager sur une voie criminelle où la folie côtoie la recherche scientifique, alors que Mary…
Mary Shelley est mondialement connue pour son roman où elle imagine que le Dr Frankenstein ramène à la vie un individu composé à partir de pièces humaines. Elle raconte le parcours de cette créature difforme rejetée par tous sauf une personne.
Dans cet album, Philippe Pelaez donne les clés de l’inspiration de la jeune romancière. Elle a 19 ans lorsqu’elle couche sur le papier cette histoire fantastique. Mais, il va plus loin et développe une large partie autour de la recherche scientifique, de ces recherches jugées parfois hasardeuses mais qui peuvent aider la progression de connaissances.
On retrouve autour de Mary une belle galerie de personnages authentiques, de Shelly le poète mort très jeune dans un naufrage à Lord Byron, John Polidori… Celui-ci, s’il fut effectivement reçu médecin à 19 ans, pratiqua peu cette discipline pour aller vers la littérature. Son œuvre la plus célèbre est Le Vampire.
Sur les pas de Giovanni Aldini et du galvanisme, avec les écrits de Darwin et ceux de John Burton, le scénariste renforce son intrigue avec des expériences menées par John Polidari, des tentatives conduisant à des échecs et un dénouement dantesque.
C’est à Carlos Puerta qu’il revient la tâche de mettre cette histoire en images. Il donne un dessin en couleurs directes très réaliste et offre au regard des planches superbes. Chaque vignette est un véritable tableau. Ainsi; l’album s’ouvre sur un paysage d’une fascinante beauté, un rocher qui plonge dans la mer. Puerta restitue la lumière restreinte des intérieurs, celle de ciels lumineux. Les personnages ressemblent à des photographies, à ces clichés anciens où le bistre domine.
Avec ce tome, c’est une trilogie exceptionnelle qui est donnée à découvrir tant pour la capacité du scénariste à aller au-delà des biographies établies que pour un graphisme rare.
lire un extrait
serge perraud
Philippe Pelaez (scénario) & Carlos Puerta (dessin et couleurs), Maudit sois-tu — t.03 : Shelley, Ankama, coll. “Ankama BD”, janvier 2022, 64 p. – 15,90 €.