Percer les derniers secrets des Templiers ?
Les templiers ont été la source d’inspiration de très nombreux romanciers et les acteurs plus ou moins heureux d’épopées. La fin tragique du grand Maître Jacques de Molay, leur trésor ont titillé l’imaginaire. Cet ordre guerrier a donné le jour à de nombreuses hypothèses, plus ou moins fantaisistes.
Avec le présent récit, Barbara Frale qui avait déjà étonné avec son précédent roman traduit Les Souterrains de Notre-Dame (le cherche-midi — 2020) donne un éclairage nouveau, implique beaucoup plus Philippe Le Bel et ses turpitudes, Boniface VIII avec sa volonté d’accroître le faste des terres papales.
Raoul Quarte, après son rendez-vous avec maître Dixmier, le contremaître de la monnaie, fuit devant un colosse armé d’une hache à double-tête. Il s’agit de Lanius, un bourreau surgissant du ventre putride de Paris. Raoul n’est qu’un apprenti au service du meilleur graveur de France. Mais, il est porteur d’un secret qui le mènera, tôt ou tard, à la mort. Dans sa fuite, il arrive près du quartier fortifié des Templiers. Quel meilleur refuge peut-il trouver ? Là, il lui faut prononcer le mot Abraxas, évoquer le Catalan, pour être pris au sérieux.
Philippe IV est en grande difficulté car les dettes accablent le royaume. Il est prêt à tout, y compris conclure un pacte avec les forces des ténèbres selon ce que sait Guillaume de Nogaret. Il s’inscrit dans des spéculations financières mais dispose d’un tueur qui élimine les témoins de ses manœuvres.
Il voudrait faire revenir Arnaud de Villanova dit le Catalan car celui-ci détient une clé qui pourrait le sauver. Or, celui-ci, accusé d’impiété et de sacrilège a trouvé refuge auprès du pape Boniface VIII à Rome.
Quel secret a-t-il découvert ? Et pourquoi Philippe IV se tourne vers les Templiers ?
La romancière invite à suivre les parcours de quelques personnages influents de l’époque entre un Philippe à la figure aussi impénétrable que celle d’un Xi Jinping, entre les proches du pouvoir tels que Nogaret, Arnaud de Villanova, Dante, les financiers florentins Albizzo et Musciatto Guidi…
Elle développe des intrigues de cours tant royales que papales, des péripéties amoureuses. La promesse du Paradis chrétien, et ses délices, ne suffit plus aux prélats. Ils veulent un avant-goût sur Terre, mais comment y goûter sans fortune?
S’appuyant sur les chroniques du florentin Giovanni Villani, une des sources les plus importantes sur les événements de ce bas Moyen Âge, elle reprend les méfaits de ce roi comme l’expulsion des juifs et des banquiers pour confisquer leurs biens, l’appauvrissement de la monnaie, l’arrestation du pape. Elle raconte également l’évasion fiscale menée par les grands seigneurs féodaux, un fléau hélas incurable sous ce règne. Elle intègre les entourloupes apostoliques comme ce décret du pape Innocent IV.
Et ce sont les Templiers qui vont faire les frais de cette gabegie avec leur arrestation massive en 1307, le bûcher du dernier grand maître en 1314. L’auteure fait défiler avec quelques protagonistes de fiction, une pléiade de personnages authentiques qu’elle replace dans leur rôle et sans doute dans les actions qu’ils ont menées ou tentées de faire.
Un livre qui laisse une large place à une intrigue orchestrée avec brio et donne une vision réaliste des actions, des événements, sans mettre en avant d’obscurs secrets, des pratiques alchimiques voire démoniaques pour livrer une belle histoire dans l’Histoire.
Ce roman se termine sur un dénouement ouvert qui laisse augurer une suite que l’on ne peut qu’appeler de nos vœux.
serge perraud
Barbara Frale, La Tour maudite des Templiers (La torre maledetta dei templari), traduit de l’italien par Michel Musolino, le cherche midi, janvier 2022, 368 p. – 22,00 €.