Juan Gómez-Jurado, Reine rouge

Quel atta­chant duo d’enquêteurs !

Juan Gomez-Jurado a déjà, a quarante-quatre ans, une belle biblio­gra­phie comp­tant dix romans et thril­lers, douze livres pour la jeu­nesse et un récit docu­men­taire sur cet étu­diant d’origine coréenne qui a assas­siné trente-deux de ses cama­rades sur un cam­pus en Vir­gi­nie avant de se sui­ci­der.
Reine rouge, ce thril­ler de haute volée, est le pre­mier tome d’une trilogie.

Alors qu’une jeune femme est très irri­tée par le bruit de pas qu’elle entend, celui qui fait ces bruits est agacé car il n’aime pas mon­ter les esca­liers. Mais pour­tant, Jon doit rejoindre Anto­nia.
Jon Gutiér­nez a été contraint d’accepter cette mis­sion car il est, vis-à-vis de son métier d’inspecteur de police, dans une situa­tion très déli­cate. Il a été sur­pris à mon­ter de toutes pièces un tra­fic d’héroïne pour faire tom­ber un proxé­nète.
Anto­nia Scott se terre dans son appar­te­ment vide depuis trois ans, depuis le tra­gique acci­dent qui a plongé l’élu de son cœur dans le coma.

Jon doit la convaincre de reprendre du ser­vice au sein de la très confi­den­tielle cel­lule d’enquête bap­ti­sée Reine rouge. C’est une struc­ture très légère ini­tiée par l’Europe pour résoudre des affaires dif­fi­ciles. Elle est diri­gée par Men­tor.
Anto­nia est une enquê­trice excep­tion­nelle. Jon réus­sit à l’amener sur une sin­gu­lière scène de crime, celle du fils de la pré­si­dente de la plus grande banque d’Europe. C’est un ado­les­cent placé dans une mise en scène très étu­diée au sein de la somp­tueuse demeure fami­liale.
Et c’est la fille d’un magnat de l’habillement qui est enle­vée. Son père, contacté par l’agresseur, dis­pose de cinq jours pour…

Avec Anto­nia et Jon, le roman­cier pro­pose un nou­veau couple d’enquêteurs qui force l’adhésion à leur par­cours. Deux per­son­na­li­tés bien dif­fé­rentes se retrouvent contraintes de col­la­bo­rer. Or, après avoir résolu nombre d’affaires cri­mi­nelles, Anto­nia refuse tous contacts. Jon, ins­pec­teur de police à Bil­bao est homo­sexuel, vit avec sa mère. Il a une sta­ture qui en impose.
Si c’est à contre­cœur qu’il accom­pagne, au début, la femme qu’il doit pro­té­ger, il se prend au jeu et son éthique de limier prend le pas pour mener à terme cette affaire fort trou­blante. Un cri­mi­nel s’en prend aux membres de familles richis­simes. Mais il ne demande pas de ran­çon. Pour les enquê­teurs, ces familles sont d’un abord dif­fi­cile, ayant des contacts pri­vi­lé­giés dans les plus hautes sphères du pouvoir.

Et l’auteur, avec une belle rigueur, avec beau­coup d’humour acéré, déroule une intrigue alter­nant des cha­pitres courts, chan­geant d’intervenants qui éclairent, ou pas, les élé­ments du drame. Si la réflexion est de mise, l’action est très pré­sente avec force détails par­fois durs, menant à un dénoue­ment dan­tesque, une conclu­sion d’une ten­sion puis­sante.
Gomez-Jurado émaille son récit de nom­breuses remarques tou­chant la société occi­den­tale, au  gré d’une série d’investigations dans des domaines variés du quo­ti­dien. Il livre, avec une belle dose d’impertinence, nombre d’informations, sur les think tank, sur les rela­tions entre les dif­fé­rents ser­vices de police, sur les rap­ports entre les deux héros, dévoi­lant au fil du récit des don­nées pas­sion­nantes. Ainsi, il décrit la ville de Madrid et ses envi­rons, révé­lant par exemple, ce réseau sou­ter­rain construit par les Arabes il y a onze siècles.

Juan Gomez-Jurado retient Reine rouge pour titre et comme nom de la struc­ture en réfé­rence à cette reine dans Alice quand les héroïnes doivent cou­rir comme des déra­tées pour res­ter au même endroit. Une belle para­bole !
Avec un style alerte, une écri­ture cise­lée, des images frap­pantes par leur bon sens et leur recherche, ce pre­mier volet mérite bien toutes les appré­cia­tions flat­teuses dont il est l’objet.
Reine rouge est mémo­rable et fait attendre la suite avec une réelle impatience.

serge per­raud

Juan Gómez-Jurado, Reine rouge (Reina Roja) tra­duit de l’Espagnol par Judith Ver­nant, Fleuve noir, coll. “Poli­cier & thril­ler”, jan­vier 2022, 496 p. – 21,90 €.

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Filed under Chapeau bas, Pôle noir / Thriller

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