L’impossible en grande largeur
Le dernier roman de René Frégni est peut-être le plus réussi au sein d’une oeuvre déjà conséquente.
A cela une raison majeure : l’écrivain ouvre les champs du possible et de l’impossible en grande largeur, idem pour les “grands pays de nulle part” chers à Bashung.
Nous partons avec lui sur sa route. Tous les “fuyards, rôdeurs, voleurs et vagabonds” qu’il a croisés sur son chemin sont là. Le roman avance à pleine vitesse en combi WV ou 404 sur le goudron dur de l’hiver ou en flaques l’été.
Et l’on est ravi que celui qui avait réussi son examen d’entrée à la SNCF mais fut recalé pour une déficience oculaire ait choisi d’autres voies que celles de deux rails parallèles.
Se retrouve ici un clochard céleste mais qui aurait troqué le lyrisme à la Kerouac pour un chant plus nerveux. Sade (lu près de la Mosquée Bleue n’y est pas pour rien). Pas de poses : ni dans le récit, les aventures ou l’écriture. Non seulement l’auteur fait vivre ici “les ombres qui l’accompagnent”, mais il devient l’orpailleur qui pour et par l’amour des femmes et l’amitié des hommes semble vouloir achever le reste de son âge près d’un vieux poêle qu’il nourrit en buches.
De celles qu’il a fendues d’une manière ou d’une autre toute sa vie.
Porté par la ferveur d’un style lapidaire et instinctif, le livre reste l’éloge d’une expérience existentielle de présence et de désir mise à portée de tout lecteur.
jean-paul gavard-perret
René Frégni, Minuit dans la vallée des songes, Gallimard, Paris, février 2022, 255 p. — 19, 50 €.
Giacometti aurait pu choisir René Frégni pour modèle de ” L’homme qui marche” . Analyse pertinente de JPGP .