Le Far West fait l’objet d’un regain d’intérêt pour les auteurs, particulièrement auprès des scénaristes de bande dessinée. On trouve de nombreuses séries dont l’action se déroule soit lors de la Conquête de l’Ouest soit dans des lieux où un semblant de société organisée s’est établi.
Le duo Philippe Charlot et Xavier Fourquemin se reforme pour livrer un western a la tonalité inédite.
La guerre de Sécession est finie mais, au Texas, il faut du temps pour faire évoluer la société. Alors qu’un gamin déleste un pendu de ses bottes, Isabelle Talbot, une jeune femme postule auprès de la mère du major Hood, une figure locale, pour un emploi. Hood veut promouvoir la culture jusqu’aux lieux les plus reculés de l’État.
Isabelle part avec des montures et deux malles remplies de livres. À la première halte, elle trouve dans l’une d’elles le gamin. Artis est orphelin, vit dans la rue et veut partir avec elle vers le sud. Elle découvre, elle qui vient du Nord, la vie rude de la région, fait face aux dangers qui rôdent, aidée en cela par Artis. Ce dernier veut l’appeler Molly, trouvant que ce prénom lui convient mieux.
Mais Molly, derrière ses bonnes manières et son air doux a un passé de souffrances qui s’est mué, au fil du temps, en une colère sourde qui l’aide à tenir.
Et le contexte, les circonstances dramatiques vont l’amener à évoluer de façon spectaculaire…
De plus en plus, les femmes prennent une grande importance dans ce genre de récit, trouvant un rôle d’héroïne à leur mesure. Avec Molly, le scénariste présente une dame cultivée, qui a quitté un certain confort pour venir dans un pays particulièrement rude tant par la nature, le climat que ses habitants. Ceux-ci, essentiellement des hommes, ne brillent pas avec un semblant de vernis social. Les auteurs les présentent dans leur laideur. Ils associent à cette héroïne, un garçon débrouillard qui a vécu également des situations difficiles et qui, cela se révèle à la lecture, a des motivations solides.
Autour de ce couple attachant, le scénariste fait évoluer une galerie de protagonistes qui semblent assez proche de ceux que l’on pouvait trouver dans ces zones à cette époque et dont certains ont transmis leur crasse et leurs vues étroites à leurs descendants. Jouant entre bons sentiments, bassesse, noirceur et un sens de l’humour développé, Philippe Charlot concocte une intrigue subtile et forte où la dichotomie initiale fait place à des situations plus recherchées.
Xavier Fourquemin assure un dessin semi-réaliste où il place beaucoup de dynamisme. Si les femmes sont, dans l’ensemble, jolies, les hommes bénéficient d’un traitement qui ne les met pas en valeur. Par contre les décors comme les vêtements et les accessoires sont l’objet d’une belle attention.
Les couleurs sont dues au talent de Chiara Zeppegno qui restitue les teintes utilisées dans cette période où les tenues, les habits étaient d’abord utilitaires, sans couleurs éclatantes. Si les décors étaient magnifiés par le soleil, ils étaient aussi arides.
Soutenue par un rythme tonique, l’intrigue se laisse découvrir avec délectation d’autant que les dessins et les couleurs sont particulièrement plaisants.
serge perraud
Philippe Charlot (scénario), Xavier Fourquemin (dessin) & Chiara Zeppegno (couleurs), Molly West - t.01 : Le Diable en jupons, Vents d’Ouest, coll. “24x32”, janvier 2022, 48 p. – 14,50 €.