Karine Miermont, Vies de forêt

Un voyage dans les saisons

Long­temps pro­duc­trice puis direc­trice artis­tique pour la télé­vi­sion, Karine Mier­mont, auteure de Grace l’intrépide (Gal­li­mard, 2019) et de L’Année du chat (Seuil, 2014), a aussi écrit et réa­lisé des docu­men­taires avant de s’occuper d’une forêt dans les Vosges.

Lorsqu’elle vivait à Paris, elle fut la voi­sine de l’auteur et pho­to­graphe Denis Roche qu’elle connais­sait rela­ti­ve­ment peu.
Néan­moins, après son décès, elle éprouve le besoin de recréer — de sou­ve­nirs en pho­to­gra­phies, de bribes de conver­sa­tions en lec­tures — l’image de celui dont la dis­pa­ri­tion le révèle à elle sou­dain avec toute impor­tance (Mara­bout de Roche chez le même éditeur).

Ici elle revient aux val­lées, forêts des Vosges pour faire état de sen­sa­tions vécues qui l’entrainent et nous avec en une nar­ra­tion — en par­tie chro­no­lo­gique car au fil des sai­sons — des vies quelles qu’en soient les natures (végé­taux, ani­maux, êtres humains).
Tout dans ces récits est de l’ordre du poé­tique tissé d’anecdotes, de réfé­rences livresques, d’études. L’ensemble est écrit dans un style lapi­daire, pré­cis et enchanteur.

L’auteure per­met une déam­bu­la­tion active et ani­mée où ce que l’on nous a appris, sans dis­pa­raître, prend une nou­velle dimen­sion au fil de ses “visites”. Rien de pas­séiste en une telle approche. Karine Mier­mont défriche — mais de déra­cine rien -, décrypte, relève des indices, des traces, des signes non seule­ment d’hier mais d’aujourd’hui.
Elle évoque ses amis de même que rois et reines mais aussi le cerf qui brame aux gros sons lorsqu’ils dérangent par­fois la paix des lieux — preuve que l’auteure ne jette jamais le bébé avec l’eau de son bain.

Ce livre devient un jeu et une enquête filée à par­tir des Vosges au gré de cer­taines phrases, de cer­tains rêves, cer­taines images. Le livre en offre le résul­tat. Il tient avec élé­gance et pudeur de l’hommage poé­tique à la nature et de l’analyse quasi-scientifique.
Le tout sans rien de lourd et de pesant mais et à l’inverse avec ala­crité et humour.

D’où cette mosaïque sub­tile au fil des jours et des réflexions nour­ries par des mul­ti­tudes de points de vues. C’est à la fois ambi­tieux et simple. Et sur­tout intel­li­gent. Per­sonne n’est vili­pendé.
Nous péné­trons en une aire de calme où per­sonne n’est exclu pour peu que le res­pect des êtres et des milieux garde ses droits. Un tel espoir intrin­sèque reste assez rare dans les écrits du temps.

Le livre de Karine Mier­mont tient donc de l’exception. Il devient un modèle tant se crée en son cor­pus un réseau d’affinités, là où la “diva­ga­tion soli­taire” n’a rien d’atrabilaire.
Ici, la forêt parle dans un choeur de vies dans son dedans comme dans son dehors en réfé­rence — comme l’auteure le rap­pelle en conclu­sion à son éty­mo­lo­gie (“foris”) qui signi­fia autant  l’exclusion que le forum où tout se rassemble.

jean-paul gavard-perret

Karine Mier­mont, Vies de forêt, coll. “Lit­te­ra­ture”, L’Atelier contem­po­rain, Stras­bourg, 2022, 176 p. — 20,00 €.

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