Tartuffe spéculatif
La scène laisse apparaître les appareillages qui permettent de mouvoir les décors. Un homme en costume découvre sous des couvertures un être à la rue, sale et sans abri. On lui enlève méticuleusement ses habits, on le lave et le revêt d’une livrée, révélant par cette métamorphose la puissance de l’apparence.
On assiste à des actes trop minutieux pour être seulement de charité : le bénéficiaire des soins affiche une morgue autosatisfaite, presque hautaine.
Ivo van Howe place la représentation sous le signe de troubles jeux de pouvoirs, dont la séduction, le sexe, l’argent et le lignage ne sont que des composantes. Cette version inédite du Tartuffe, qui n’a été donnée qu’une seule fois en 1664, reconstituée par Georges Forestier et Isabelle Grellet, ouvre en forme d’événement la célébration du quatre centième anniversaire de la naissance de Molière.
Le célèbre metteur en scène belge s’empare de cette version qui correspond peu ou prou aux actes I, III et IV de la version définitive que nous connaissons.
Le spectacle est rythmé par des entrées mises en valeur par l’utilisation d’un pont dominant la scène, duquel les comédiens descendent par un large escalier, par une musique dynamique d’inspiration électronique d’Alexandre Desplat, par l’insertion en fond de scène de syntagmes explicites ou sibyllins soulignant rapidement la nature de l’action.
Les scènes sont surjouées ; l’outrance se trouve justifiée par la volonté d’exhiber et de distinguer toutes les dimensions d’un drame conçu comme un huis clos, dans lequel les principaux protagonistes sont aux prises avec leurs plus intimes pathologies.
Le metteur en scène profite de l’absence de retournement final (qui condamne ultimement la forfanterie de Tartuffe dans la version passée à la postérité) pour laisser ouvertes les lectures, usant et combinant l’homosexualité, l’impuissance, la perversion, l’inversion des rapports de domination, allant jusqu’à suggérer lors du tableau final une redistribution des rôles.
De multiples hypothèses trop ténues pour constituer autre chose que des spéculations, mais constituant un bel éventail d’explorations.
christophe giolito
Le tartuffe ou L’hypocrite
comédie en trois actes, en vers de Molière
Mise en scène Ivo van Hove
Avec Dominique Blanc, Loïc Corbery, Julien Frison, Marina Hands, Claude Mathieu, Christophe Montenez, Denis Podalydès, et les comédiennes et comédiens de l’académie de la Comédie-Française Vianney Arcel, Robin Azéma, Jérémy Berthoud, Héloïse Cholley, Fanny Jouffroy, Emma Laristan.
Version interdite en trois actes de 1664, restituée par Georges Forestier avec la complicité d’Isabelle Grellet. Dramaturgie Koen Tachelet ; scénographie et lumières Jan Versweyveld ; costumes An D’Huys ; musique originale Alexandre Desplat ; collaboration musicale Solrey ; son Pierre Routin ; vidéo Renaud Rubiano ; assistanat à la mise en scène Laurent Delvert ; assistanat à la scénographie Jordan Vincent ; assistanat aux lumières François Thouret.
A la Comédie Française, Salle Richelieu, place Colette, 75001 Paris.
Du 15 janvier au 24 avril 2022, en alternance. Durée 1h45 sans entracte.
https://www.comedie-francaise.fr/fr/evenements/le-tartuffe-ou-lhypocrite
Date de création de l’œuvre : 12 mai 1664 au Château de Versailles ; première à la Comédie-Française.
Texte inédit du Tartuffe ou l’Hypocrite disponible à la boutique de la Comédie-Française.
Le Tartuffe ou l’Imposteur, en 5 actes qui est habituellement joué a été créé le 5 février 1669 au Théâtre du Palais-Royal et joué 3193 fois par la Comédie-Française depuis 1680.
Nouvelle production
En tournée
Au cinéma en direct 15 janv suivi de l’hommage de la Troupe à Molière
Avec le soutien de la Fondation pour la Comédie-Française
Spectacle conseillé à partir de 14 ans.