De notre éternité provisoire, Christophe Manon tire sinon la meilleure part du moins le meilleur parti. Evitant de fréquenter la mort (pas la peine de la chatouiller), l’auteur par ses poèmes trouve dans l’amour un démenti aux souffrances, à la solitude et l’abandon.
C’est une manière de ne pas finir en bête sauvage même si les cornes nous iront toujours mieux que nos cheveux.
Rien ne sert de béer sur notre existence au nom de sa précarité et des dérisoires succès d’épiphanies relatives face à ce que nos détresses obligent. Certes, parfois Manon s’offre quelques lamentos au nom du jadis et du naguère qui fait de nous ses nostalgiques bégayeurs de souvenirs.
Mais c’est sans doute le prix à payer avec le temps…
A cette seule aune, la vie est bien vite à l’envers. D’autant qu’au fil des ans, de vieux parfums démoniaques trouvent leurs clés. Preuve que ce qui fut fantasmé s’accorde soudain une libéralité.
Plus besoin de s’en cacher en osant l’innommable qui passe alors comme une tasse de thé pour peu qu’on apprécie ce breuvage. Il peut devenir parfois un philtre d’amour où des disparu(e)s trempent encore et créent des légendes dont le poète devient le crooner.
Manière d’accepter celui qui fut et celui qu’il devient.
jean-paul gavard-perret
Christophe Manon, Provisoires, éditions Nous, Paris, 2022, 96 p. — 14,00 €.