Un western impétueux et jubilatoire
Elles sont cinq, cinq femmes bien différentes qui sont réunies par le hasard de la vie.
Dans ce Far West, cette région en devenir, elles doivent lutter à la fois contre la violence de la société qui s’installe et la brutalité des hommes dans un siècle où la culture de l’Europe occidentale place la femme au plus bas de l’échelle sociale.
Abigail, une jeune noire, progresse sur un terrain difficile, enfermée dans une cage composée de barreaux de fer. Elle lutte contre une horde de prédateurs qui voient une proie facile. Un coup de feu les effraie. C’est Kathleen, une jeune dame chapeautée, qui a bien du mal avec sa carabine. Une flèche se plante près de son visage. Elle est sous la menace de Chumani, une archère qui lui reproche d’avoir tué son frère.
La dame chapeautée faisait partie, avec son époux, d’une caravane en route vers l’Ouest. Alors que son mari décède, elle est aux prises avec des voyous quand un groupe d’indiens attaque le convoi. Kathleen, pour ne pas être tuée par un natif qui l’assaille, tire et le tue. Chumani, qui a vu la scène, accepte l’explication.
Alors qu’elles tentent de survivre dans une forêt, qu’elles échouent à libérer Abigail, celle-ci tombe malade. Kathleen décide de se rendre jusqu’au village le plus proche pour acheter des médicaments et une scie à métaux. Sa tenue désordonnée lui ferme la porte de la seule boutique où Daisy, une ancienne institutrice irlandaise, fait ses courses. Celle-ci, avec son caractère bien trempé va prendre les choses en main. Le petit groupe de femmes est vite rejoint par Cassie. Mais elles s’attirent les foudres des mâles du coin qui…
Olivier Bocquet reprend les codes du western non pas, comme trop souvent, du point de vue masculin, mais avec une vision féminine. Il place ces héroïnes dans des situations où elles doivent défendre leur vie, leur intégrité dans un tourbillon d’actions. Dans une première parie de l’album, le récit pose le passé récent des protagonistes, explicite les causes de leurs situations présentes. Puis, c’est l’enchaînement des aventures, celles-ci renforcées avec l’arrivé d’un individu exécrable.
Isolées, ces femmes sont des victimes, solidaires ; elles font front et leur défense est tout sauf emprunte d’angélisme. Et les cadavres vont s’empiler quand elles vont réagir face à une meute aux motivations diverses mais brutales.
Avec ce premier tome, le scénariste imagine une folle aventure au déroulement parfaitement maîtrisé. Anlor et Elvire de Cock réalisent, chacune dans leur domaine, un graphisme nourri de réalisme. Le dessin d’Anlor est flamboyant et ultra-dynamique. Elle met en scène les fondamentaux du western, en respecte certains usages et donne aux nombreuses scènes d’action une tonicité spectaculaire. Ses personnages sont parfaitement restitués dans leurs rôles, les femmes belles dans leur type, les hommes crasseux à souhait.
La mise en couleurs d’Elvire de Cock est éclatante et ses dégradés entre ombre et lumière, elle plonge le lecteur dans une atmosphère du plus bel effet.
Ce premier tome est une belle découverte pour le renouvellement d’un thème classique de l’aventure, un récit iconoclaste et jubilatoire servit par un graphisme d’une belle intensité narrative.
lire un extrait
serge perraud
Olivier Bocquet (scénario), Anlor (dessin) & Elvire de Cock (couleur), Ladies with guns — Tome 1, Dargaud, janvier 2022, 64 p. – 16,00 €.