Pour se sortir du harcèlement
Co-scénarisée par Christophe Cazenove et Nora Fraisse, cette histoire traite du harcèlement scolaire. Si presque tous les amateurs de bande dessinée connaissent Cazenove et ses célèbres séries, Nora Fraisse est nouvelle venue dans le genre. Par contre, elle se distingue dans la lutte contre le harcèlement que subissent des élèves dans le milieu scolaire, harcèlement qui déborde largement sur la vie familiale.
Elle a raconté dans Marion, 13 ans pour toujours, le harcèlement qui a conduit sa fille au suicide. Depuis, elle a fondé l’association Marion Fraisse, La main tendue, pour lutter contre cette tragédie amplifiée encore par le cyberharcèlement.
Camélia fait sa rentrée en première année de collège. Interne, elle a pour compagne de chambre, Justine, et bien que très différentes de caractère, elles deviennent amies. Lorsqu’elle arrive pour la rentrée de sa première année de lycée, dans le même établissement, Camélia a bien changé. L’adolescente enveloppée a fait place à une mince jeune fille. Elle retrouve Justine, lui donne l’accolade. Camélia repousse Rayan tout près, à qui elle en veut pour l’avoir ridiculisée, l’année précédente, sur les réseaux sociaux.
Elle cible aussi Valentine. Celle-ci, entourée de sa petite bande, réagit et menace Camélia de lui pourrir la vie. Et c’est ce qui se passe. Sa chambre est saccagée par Valentine et ses affidées. Très vite, Camélia se retrouve isolée. Justine prend ses distances avec elle de crainte de subir le même sort.
Avec cette histoire très réaliste, pédagogique, les auteurs abordent de nombreux thèmes comme la vie sociale et affective, la pression du groupe, la vie scolaire, les rumeurs, le cyberharcèlement, la solidarité entre élèves, la place des adultes, le sentiment d’exclusion et de solitude, l’absence du corps éducatifs… Certes, ce récit est le condensé d’une somme de situations, mais c’est aussi une plongée dans le monde des adolescents, des adultes en devenir.
C’est la description du fonctionnement de la meute et de ceux qui gravitent autour, qui craignent pour de multiples raisons d’être rejetés, d’être mis en dehors d’une communauté. C’est la description de la violence, ces violences, ces attaques répétées sans cesse qui poussent au repli sur soi, à la perte de confiance, d’estime de soi et… au pire.
Le dessin est confié à Bloz qui a déjà œuvré sur un sujet similaire quand il a fait paraître, en 2017, Seule à la récré, sur un scénario inspiré par sa fille. Il a retenu un trait semi-réaliste pour mieux coller au scénario et à la tranche d’âge concernée. Il donne, ainsi, une dimension qui accroche le regard et mobilise l’attention. Les couleurs de Véra Daviet renforcent la tonicité du récit en donnant une véritable symbiose à l’ensemble de l’album.
Ce dernier se termine sur Les carnets de Camélia, un dossier complet rédigé par Ghislaine Ballester Dullier et Nora Fraisse. Le harcèlement est décortiqué en détail, explicitant chacune de ses composantes. Une présentation de l’association Marion Fraisse, La main tendue, les signes qui doivent alerter et quelques éléments juridiques et bibliographiques permettent d’aller plus loin, de trouver une aide.
Un magnifique album à mettre dans toutes les mains pour révéler ce fléau, le dénoncer et l’éradiquer.
serge perraud
Nora Fraisse (scénario), Christophe Cazenove (scénario), Bloz (dessins) & Véra Daviet (couleurs), Camélia – Face à la meute, Bamboo Éditions, septembre 2021, 72 p. – 15,90 €.