Une nouvelle fois, Lacan donne le flanc à une mise en pièces d’autant plus perfide que l’essayiste y fait preuve d’un savoir certain.
Plus d’ailleurs sur la langue et la philosophie grecques que sur le psychiatre et psychanalyste.
Se retrouve ici l’antienne sur la puissance d’un discours de tyran porteur de plénitude d’une œuvre que Barbara Cassin présente comme divine même si, à proprement parler, elle n’existe pas.
Sa connaissance intime du grec et des pouvoirs de la langue se heurte toutefois au verbe lacanien. Elle s’en donne néanmoins à coeur joie parfois.
Certes, nous ne pouvons que la suivre lorsqu’elle dégomme la baderne Badiou qui confond dans une sainte trinité Socrate, Lacan et Mao-Zedong.
Mais que le philosophe contemporain n’ait rien compris de Lacan ne suffit pas à discréditer ce dernier sous prétexte d’une interprétation lamentable.
Pour autant, descendre Lacan comme l’essayiste le fait au rang de sophiste est une absurdité. Ses émules ont bien tout fait pour transformer leur maître en ce qu’il ne fut pas. Mais, contrairement à eux, le jeu du verbe n’est jamais gratuit chez lui.
Et le réduire à une pure jouissance de celui-là demeure une réduction aventureuse.
Lacan est un de ceux qui a montré tout ce que le langage cache par ses mots “comment taire”.
Mais Barbara Cassin, ne suivant que la jonction entre parole et jouissance, passe à côté du sujet en dépit — ou à cause — de son retour à L’éloge d’Hélène de Gorgias.
Ce texte jadis sulfureux n’est pas la bonne porte pour entrer dans le travail de Lacan. Sa compagnie ne lui sied que trop mal.
Et le faire “parler à la Gorgias” reste — même sur la jouissance des femmes — une argumentation spécieuse. Lacan mérite mieux que ça.
jean-paul gavard-perret
Barbara Cassin, Jacques le Sophiste — Lacan, Logos et psychanalyse, Epel, 2021, 254 p. — 23,00 €.