Florent Lamouroux, CorpsÉcorce (exposition)

Panique à bord

Dans cette expo­si­tion de diverses séries dont “Les Micro­cosmes”, Lamou­roux semble créer, entre autres, un rap­pel de “L’armée de terre cuite” de près de huit mille sta­tues de sol­dats et che­vaux repré­sen­tant les troupes de Qin Shi Huang, le pre­mier empe­reur de Chine.
Elles dési­gnent là-bas une forme d’art funé­raire. Il se peut donc que l’artiste s’en soit ins­piré mais pour lais­ser espé­rer un élan vital.

Les pièces de son théâtre non seule­ment ne sont pas uni­formes mais leurs matières pre­mières sont trans­for­mées par la force des élé­ments pre­miers : feu, air, eau.
Le plas­tique et le bitume sont aussi de la par­tie pour méta­mor­pho­ser des scènes où tout semble pro­ve­nir de l’enfoui non dans un but de monu­men­ta­tion mais pour réani­mer le vivant dans une éco­no­mie de moyens.

Pour cette nou­velle expo­si­tion à la Gale­rie Isa­belle Gou­nod, Lamou­roux ras­semble les notions d’identité et de ter­ri­toires en créant un lien entre la peau et l’écorce ter­restre. Dès lors et désor­mais, si le temps passe, tout est à reprendre. La terre. Son extase. Sa mort.
Le faut-il ? Il le faut.

C’est pour­quoi l’artiste aborde les ques­tions des trans­for­ma­tions et des cycles, là où les sur­faces alté­rées laissent appa­raître des abymes. Des pay­sages humains recou­verts de matière orga­nique s’élèvent avant de se dis­soudre et de réin­té­grer des couches ori­gi­nelles.
Quant aux “Car­to­gra­phies érup­tives” et aux “Car­to­gra­phies tel­lu­riques”, elles deviennent des concré­tions mys­té­rieuses qui sous leurs appa­rences d’imperméabilité paraissent néan­moins spon­gieuses ou poreuses au vivant.

Et ce, même si des sil­houettes stan­dar­di­sées, dis­po­sées en série semblent s’inscrire en faux contre tout débor­de­ment animé. Elles demeurent néan­moins en tant que traces qui ignorent le temps.
Et la réplique plas­ti­fiée du corps de l’artiste ( leit­mo­tiv de son œuvre), ici en posi­tion fœtale, semble se ban­der face aux dys­to­pies actuelles : en une sorte d’accouchement dor­sal, des volumes jaillissent même si ensuite ils se stratifient.

L’ensemble (com­plété par les “Boules à neige”) devient le spec­tacle du cham­bar­de­ment micro et macro­cos­mique auquel nous assis­tons ou que nous subis­sons. Avec Lamou­roux, une muta­tion est en marche. L’artiste en indique des pré­mices aussi ludiques qu’inquiétants.
Existe donc sous effets de dif­fé­rentes sur­faces bien des pro­fon­deurs et sur­tout des han­tises dont nous ne pou­vons faire l’économie.

Sous les cara­paces ouvertes, le regard se ren­verse en un va-et-vient entre le dedans et le dehors, l’invisible et le visible, le col­ma­tage et ce qui s’en dégage. Tout s’empare du bâti de l’espace. Par­tout appa­raissent des seuils ou des cata­falques. Diverses gangues retrouvent et retournent leurs abysses sans pou­voir dire ce qui va adve­nir.
Nous ne sommes plus à l’abri de la défaillance panique. Même si un espoir semble encore être accordé.

Il faut en accep­ter le présage.

jean-paul gavard-perret

Florent Lamou­roux, Corp­sÉ­corce, Gale­rie Isa­belle Gou­nod, Paris, du 12 février au 12 mars 2022.

1 Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com

One Response to Florent Lamouroux, CorpsÉcorce (exposition)

  1. Villeneuve

    En bref l’identité dans la carte et le ter­ri­toire . En avant , marche …
    Excellent com­men­taire com­posé de JPGP sur un artiste singulier .

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