Dialectique de la matière et du graphisme
Huit ans après la disparition d’Anthony Caro, la galerie Templon présente une exposition de la décennie charnière du sculpteur : les années 70–80.
Ces oeuvres qui mettent en exergue le travail de l’acier et du métal oxydé explorent la question de l’équilibre et transforment le vide en un matériau et moyen d’expression.
Les formes tridimensionnelles et abstraites confirment et développent la singularité de l’art de Caro. Les différentes plaques et les arêtes, les fentes et intervalles entre ces plaques participent à la construction de réseau graphique dans l’espace.
L’oeuvre a marqué un tournant dans l’esthétique sculpturale du XXe siècle.
Né en 1924, après des études d’ingénieur, Anthony Caro devint l’assistant de Henri Moore de 1951 à 1953. Grâce à lui, il découvre l’expressionnisme abstrait puis, à la suite d’un premier voyage aux États-Unis en 1959, il rencontre David Smith qui l’influencera fortement.
Abandonnant progressivement la sculpture figurative, il construit, à partir des années soixante, de grands assemblages de feuilles en métal, de poutres industrielles, de canalisations ou de morceaux d’aluminium.
Il reste aussi le représentant majeur de ce qu’on appelle le minimalisme à l’anglaise qui s’attache à une réelle prise en compte de l’espace et repense les valeurs de pesanteur et d’apesanteur intrinsèques à la sculpture.
Caro ne cherche pas à globaliser la forme mais à la disperser à travers les masses et les plans en créant ainsi une multiplicité de points de vue.
L’acier, matériau de prédilection de l’artiste, n’est pas érigé dans sa brutalité, comme chez Richard Serra. Il est domestiqué pour tendre à une familiarité. Certaines réalisations renvoient à un langage pictural et la sculpture s’apparente souvent à un dessin abstrait dans l’espace.
Anthony Caro s’insère donc au premier plan dans la filiation de la sculpture en métal, étape majeure de l’histoire de cet art au XXe siècle.
Il en est l’un des principaux protagonistes. Mais peu de sculpteurs ont poussé si loin la dialectique de la matière et du graphisme entremêlés.
L’exposition de la galerie Templon permet de comprendre le goût de l’artiste pour la matité de l’acier, les attirails des machines et de ses tôles, le tout dans un langage iconoclaste.
jean-paul gavard-perret
Anthony Caro, More real, more felt, Galerie Templon & Cie, 30 rue Beaubourg, du 8 janvier au 5 mars 2022.
Archétype des années 70 =80 , œuvre britannique majeure qui ouvre de nouvelles possibilités, à la fois sur le plan formel et en ce qui concerne la question du sujet. En bref ” Balance ton quoi ” d’Angèle conviendrait , en langage actuel , au visionnaire Anthony Caro .