Cahiers Bataille n°5, Bestiaire

Trocs sans toc

Le numéro 5 des Cahiers Bataille est un bes­tiaire ras­sem­blant les réfé­rences ani­males qui peuplent l’œuvre de Georges Bataille.
L’ensemble approche de plus près son uni­vers peu­plé de bêtes créa­tures, mytho­lo­giques, chi­mé­riques, his­to­riques : acé­phale, arai­gnée céleste, arbre humain, cépha­lo­podes, che­val et tigre, fourmi, guêpe, « hibou » de Minerve , mante reli­gieuse , méduse, mouche, oiseaux, rat, singe, taupe, tau­reau. Mais aussi l’être humain et ses spectres.

Si bien que ce numéro offre de mul­tiples direc­tions de réflexion sur la dia­lec­tique homme-animal. Et ce, au moment où la ques­tion ani­male prend un tour par­ti­cu­lier dans les réflexions éthiques, phi­lo­so­phiques, juri­diques.
Ici, tout est mené de manière aussi sérieuse que ludique tant sur la réflexion et la cri­tique sur l’oeuvre que sur des œuvres d’art et des objets archéo­lo­giques, eth­no­gra­phiques, de culture populaire.

Le cor­pus bataillien jaillit joueur et sérieux, cruel et bouf­fon. Mais sur­tout poly­pho­nique. Bataille intro­duit dans la pen­sée ration­nelle des rap­port d’accord/écart aux repré­sen­ta­tions que for­mait son époque qui reste encore la nôtre.
L’auteur de La part mau­dite prouve que, pour pen­ser juste et ne pas juste pen­ser, il faut intro­duire à l’homogénéité ambiante de l’hétérogène età  une poé­tique par­ti­cu­lière, para­doxale où la bête com­mu­nique ce que l’homme quo­ti­dien dans son lan­gage cache. La “sagesse” de Bataille tient à ce troc.

Sous la direc­tion d’Axellle Fel­gine et Jean-Sébastien Gal­laire, ce bes­tiaire ne se limite donc pas à un simple cata­logue d’animaux. Il devient une machine céli­ba­taire d’émancipation qui ouvre — par la chair vivante ou mythique — la pen­sée et le tra­vail de Bataille. Il se ter­mine par un entre­tien avec Denis Hol­lier, des inédits et une revue de l’actualité sur l’auteur et un éros ver­ba­tim de Chris­tian Prigent.
Ce der­nier voit en Bataille le modèle par­fait de l’intellectuel. Celui qui fut tou­jours capable de vriller face à la posi­ti­vité des clercs en deve­nant aussi joueur que com­bat­tant, s’extrayant — entre autres par la bête — des pen­sées uti­li­taires et stéréotypées.

jean-paul gavard-perret

Cahiers Bataille n°5, Bes­tiaire, édi­tions les Cahiers, Paris, 2022, 398 p. — 29,00 €.

1 Comment

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One Response to Cahiers Bataille n°5, Bestiaire

  1. Villeneuve

    le beau frère de Paule Constant ( Bour­geade ) fut tel­le­ment hanté par les réfé­rences ani­males qui peuplent l’œuvre de Georges Bataille .…qu’il crai­gnait de se réveiller dans le corps d’un animal !

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