Une belle uchronie fantastique
Et si King Kong avait gagné la bataille qui l’a opposé à une escadre de l’armée de l’air? Aurait-il pu s’installer dans les lieux du combat et vivre en maître de Manhattan ?
Éric Hérenguel fait ce pari et donne un récit uchronique dans lequel le grand singe règne sur cette île, symbole de la puissance des États-Unis.
En 1937, le capitaine Pearl, aux commandes de son biplan avec Alvin à la mitrailleuse, traque Kong dans Manhattan. Soudain une nuée de ptérodactyles enlève Alvin et blesse Pearl au visage. Celui-ci fonce sur le prédateur qui lâche sa proie. Alvin utilise alors son parachute pour tomber dans la gueule béante d’un mégalodon qui jaillit de l’Hudson. Or, Pearl fait un cauchemar et revit des événements vieux de dix ans, comme lui rappelle Betty, sa fille, alertée par les cris de son père, devenu colonel.
Au briefing du lendemain, celui-ci annonce l’entrée d’un nouveau commando dans la zone pour aller rechercher Virgil, un pilote dont l’avion s’est écrasé dans la zone interdite. Le commando de Rangers, guidé par un Indien, s’introduit dans la zone. L’un d’eux se fait moquer par ses compagnons quand il dit avoir vu un teckel poursuivi par des raptors. Les monstres prennent en chasse ces nouvelles proies que représentent les soldats. Celui qui porte la radio est rattrapé et finit dans la gueule du plus rapide. Plus tard, l’Indien est tué d’une flèche tirée par une jeune femme. Mais ce n’était pas lui qu’elle visait. Deux amazones, accompagnées d’un gorille, font prisonnier le survivant et l’emmènent vers leur reine.
Betty, à qui Virgil avait confié son teckel, promet en récompense, à celui qui lui ramènera le chien, un baiser.
Et Kong…
Avec cette série qui relève du récit fantastique conjugué à une belle uchronie, l’auteur compose un univers bien dangereux dédié à une faune préhistorique. Cependant, celle-ci reste contenue dans l’île de Manhattan grâce à une barrière à ultrasons. Séquencée en chapitres, l’histoire met en scène une galerie de protagonistes particulièrement truculents, dans l’esprit de ces œuvres peuplées d’aventuriers intrépides et de seconds couteaux assez pâlots.
Éric Hérenguel installe, dans cette zone défendue, des individus ou des groupes qui ont pu survivre, se constituer un espace leur offrant une relative sécurité. Et ces individus ou ces groupes, dont le plus important semble être celui des Amazones, donnent lieu à des trouvailles scénaristiques du plus bel effet. L’auteur fait preuve d’un bel humour féroce, un humour trash du plus bel effet.
Le graphisme d’Éric Hérenguel relaie tout à fait la tonicité du scénario, tant pour les actions débridées des acteurs du drame que pour les mouvements de la faune préhistorique et des humains. Les décors sont particulièrement réussis et il propose pour des immeubles et des rues de Manhattan envahis par une végétation qui les dégrade des vues magnifiques.
Tonique, dynamique, le trait assuré, le dessin et la mise en couleurs donnent une véritable dimension, une identité à cette histoire où priment l’action et l’aventure.
Un second volet parfaitement réussi mettant à l’honneur un genre qui reste très captivant.
Le scénariste livre quelques explications sur les racines de la situation dans l’attente d’une suite qui devrait être toute aussi tonique, voire plus.
serge perraud
Éric Hérenguel, The Kong Crew — t.02 : Hudson Megalodon, Ankama BD, novembre 2021, 72 p. – 15,90 €.