A compter du 03 01 2022, Didier Ayres va livrer régulièrement dans les colonnes du litteraire.com les méditations extraites de son Cahier Art, qu’il présente ainsi :
j’ai conçu ces textes comme des fragments, fragments de fragments qui tous, comme dans le calcul d’une sphère, confinent à dessiner un orbe, celui de la définition de l’art, de l’artiste, du poème
cette vision ne m’a été offerte finalement qu’après la mise au propre des 12 entrées de cette publication
mais celle-ci a gardé le côté lapidaire qui convenait bien ici à mon régime d’écriture
il faut donc lire ces textes comme autant de petits lamparos dans les eaux intérieures
Qui connaît cet état d’angoisse — cet état mortel connu d’Artaud ?
Comme si l’être pouvait se reproduire, devenir pluriel, lui-même et autrui.
Les deux registres se nourrissant l’un de l’autre.
Par exemple en mettant au propre le carnet.
Écrire pour un autre que soi.
On ne lutte pas seulement contre la mort, mais aussi contre la destruction de soi.
Mille paroles parfois pour cent paroles.
Quelques mots subsistent, je ne sais pas pourquoi.
Mais toute œuvre procède de cette intercession d’un témoin.
Art : le même du même.
Art : produire de la matière sans matière.
Art : montrer sa puissance dans son impuissance.
Sorte de drogue, de dépendance à la fabrication d’une œuvre.
Relation avec le monde mortel (et immortel).
On peut agir à découvert, mais l’objet de la création reste mystérieux.
Art : cette énigme.
Art : la conquête intérieure.
Art : se jeter (le saut d’Yves Klein).
Art : ignorer sa défaite.
Nourriture de l’ignorance, de la nescience.
Je ne cherche qu’à produire l’incertitude du dedans en décrivant son passage.
De là le travail d’ellipse.
Dessiner un contour, couper le réel de lui-même.
Mais sans aucune certitude, juste une confiance en ce que j’écris et rien de plus.
Du reste, il n’y a pas beaucoup de choix.
L’art choisit en dehors de la volonté de l’artiste.
Sinon, à espérer dans la double durée de l’œuvre : son présent — écrire ici — et son passé — ce qui a été écrit.
Car l’ombre bizarre de ces délais oblige au recul et à la patience.
Art : l’attente.
Consulter l’intégralité des 12 fragments
Didier Ayres
Saint-Junien/Paris/Grenoble — 21/22