Tout le temps de l’histoire se trouve en une seule journée
Montaigne
Stephan Dedalus, Leopold et Molly Bloom constituent les héros de Ulysse, roman de la métamorphose des styles entre autres via les monologues intérieurs, là où, rappelle Forest, il faut accepter de s’égarer. C’est un dédale comme l’est Dublin.
Rien n’y est a priori essentiel (dans les faits) mais tout est capital (dans le langage) en hommage implicite au jour où Joyce rencontra Nora (sa futur épouse). Ce fut sa manière de la célébrer sans en dire un moindre mot dans le roman.
Dedalus le jeune poète cherche “quel est ce mot que tous les hommes savent” mais que tous ignorent. Ce pourrait bien être le mot “amour” ‘biffé par Joyce. Mais pour Forest, c’est plutôt le dernier mot du livre “Oui” que prononce Molly, à demi-endormie et que chacun de nous recherche dans “Le silence, l’exil et la ruse” qui sont la patrie d’un tel livre et de ses multiples ambivalences souvent satiriques.
Pour le centenaire de sa publication, Forest lui rend — par la republication de son essai accompagné d’une préface inédite — le plus beau salut. Il le mérite ne serait-ce qu’au nom des 20 000 heures de travail qu’il nécessita et pour certains troubles mentaux dus à la fièvre de l’écriture.
“Tout le temps de l’histoire se trouve en une seule journée” écrivit Montaigne. Et c’est le cas ici.
Dans ces 24 heures d’affabulation et de clés, le monde est parfois caché — en une série de chausse-trappes — dans ce mot que Joyce se garda bien de préciser en son jeu avec le lecteur.