Michel Houellebecq, Anéantir

Le Pick’in de Michel Houellebecq

Michel Houel­le­becq fut poète avant de deve­nir roman­cier. Très vite, il cultiva une écri­ture ni lyrique ni réa­liste mais déca­lée. A par­tir de cette expé­rience et du back-ground que cela enten­dait, il n’eut jamais dans ses fic­tions à faire éta­lage de son savoir.
Il sait pra­ti­quer une sorte dc pick’in lit­té­raire qui lui per­met de don­ner une (douce) vio­lence cri­tique et comique au monde, ses matières et idéo­lo­gies attristantes.

Anéan­tir est en consé­quence à la fois un thril­ler poli­tique un rien dys­to­pique et le roman des amours. Paul Rai­son, énarque au ser­vice de Bruno Juge, ministre de l’Economie et des Finances, sou­tient la cam­pagne pré­si­den­tielle du can­di­dat de la majo­rité, ancien ani­ma­teur de télé. Il suit en paral­lèle une affaire d’attentats mon­diaux rela­tés par des réseaux sociaux dont la DGSI a du mal à décryp­ter les mes­sages occultes.
Nous sommes dans uni­vers proche du nôtre : en déclin, sans espoir, sombre, mélan­co­lique mais où ce qui reste d’amour fait son che­min entre le héros et sa femme dont la rela­tion connaît un retour de flamme. Et ils ne sont pas les seuls à trou­ver de tels sur­sauts ou éclo­sions chez les proches  du per­son­nage central.

Bref, l’amour semble encore avoir de beaux jours devant lui. Mais s’y mêlent des ingré­dients “paral­lèles” et hybrides : fin de vie, légumes verts, hin­douisme, la poli­tique, Dieu donc la reli­gion et sata­nisme, hôpi­tal, islam, migrants, chô­mage, Black Blocks, Trente Glo­rieuses (que l’auteur a bien connues), huiles essen­tielles, ban­lieues, soins den­taires, Conan Doyle, Pas­cal et bien d’autres sujets.
D’où ce nou­vel épi­sode de la pein­ture houel­le­bec­quienne de la société contem­po­raine dans un livre que l’auteur a voulu en belle édi­tion et qui se pré­sente en quelque sorte comme  la conso­lante de l’époque.

L’écri­vain pré­tend à ce titre que la bonne lit­té­ra­ture se fait avec de bons sen­ti­ments en tor­dant le cou à l’affirmation de Gide. Néan­moins, il existe dans ce livre un côté Caves du Vati­can mixé aux nou­veaux accents du temps.
S’y mêle l’observation du monde et des rêves comme dit-il “une alter­na­tive au monde”. Les livres en font partie.

Dès lors, le roman demeure à l’égal de la pro­duc­tion de l’auteur : il réa­lise un per­ce­ment après un che­mi­ne­ment qui appa­raît ardu certes mais ten­tant — enfin, qui l’est pour lui. La fic­tion exprime un enfer­me­ment, le corps mêlé au lieu, une mort annon­cée mais aussi un par­cours joyeux ou qui doit l’être ( il y a tou­jours chez Houel­le­becq du Piaf de “jJ ne regrette rien)”.

Et si la matière est triste (la chair l’est aussi par­fois), Houel­le­becq semble sinon avoir lu tous les livres du moins avoir bien com­pris ce qui nous rat­trape et qu’il faut fuir ou rete­nir (en fai­sant le bon tri).
Même si nous sommes des alba­tros plus connus du sol que des cieux.

jean-paul gavard-perret

Michel Houel­le­becq, Anéan­tir, Flam­ma­rion, 2021, 736 p. — 29,00 €.

1 Comment

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One Response to Michel Houellebecq, Anéantir

  1. Villeneuve

    ” Les par­ti­cules élé­men­taires ” livre shunté en 1998 par le prix Gon­court ( au pro­fit du clas­sique ” confi­dence pour confi­dence ” ( Paule Constant ) trouve assez vite une noto­riété méri­tée adou­bée par Laure Adler puis ” Pla­te­forme “en 2001 ava­lise la qua­lité de l’écrivain pas­seur de son époque comme Zola le fut autre­fois . Michel Houel­le­becq a tout dit et , vingt ans plus tard , mal­gré moult suc­cé­da­nés sans atteindre son Lan­za­rote ( sym­bole ) il nous anéan­tit avec un pavé qui éructe en vrac des ingré­dients ” paral­lèles ” comme le pré­cise JPGP .

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