Soliloque
Parfois il s’approche d’elle, erre dans la broussaille vers le seul sentier et sa proximité silencieuse. Au fond est dessinée la figure de la mère. Est-ce elle qui permet de réinventer un nouvel amour, de prendre ensemble, s’emboîter, embrasser ? Parfois il se met en boule. Plongé là comme dans son rêve, remontant vers le lieu secret, le lieu obscur, reprenant corps.
C’est l’amont paradisiaque qui attire la remontée dans l’origine. La solitude s’y fait à deux, en se séjour d’exil et de royaume.
Il se soumet à l’attente, il se livre à la femme pour la mettre en délice et dépendance d’un autre accouchement. Yeux clos, près parfois de la suffocation pour la respiration et le cri qui en naît dans l’abandon. A la femme investie, la Vénus à la fourrure il offre l’orgasme donnant la vie en son mourir.
L’auditorium est absolu et quand pointe la défaillance, c’est moins l’équilibre qui se perd que se gagne le vertige de l’engloutissement et de l’attrait.
C’est le geste de s’ouvrir à l’autre en l’ouvrant. C’est le geste de l’abandon. Dès lors, pourquoi prendre le risque d’un coït trop prévisible ? Mieux vaut consentir à cet office pour châtelaine en domaine des dieux. Il retrouve l’inconnu du lieu jamais atteint que la femme incite à épouser — au besoin en le couvrant de délicieuses injures.
Mais peu à peu se suspend tout le langage : l’identité s’éprouve dans le toucher d’un espace premier, hors de tout dessein. Le plaisir se crée à corps perdu dans le souffle, le rythme.
Le voici otage par consentement pour l’extatique qui saille. Voici le jadis comme renaissant, le sans fin que les mots disent mais ne peuvent toucher.
La femme s’élance entre le dehors et le dedans, entre la langue et le savoir de son attachement de connivence qui l’unit à l’amant dans une société solitaire.
Le soliloque en son toucher de l’intime invente le langage qui n’a pas encore trouvé passage pour l’impensé, l’éprouvé avant que le silence se fasse en ce mourir provisoire en un sens qui toujours échappe pour se diriger vers la seule vérité.
Le voici absolu vagabond.
Il ne peut rien en dire sinon des mots non-écrits ou égarés et quittés aussitôt.
jean-paul gavard-perret
Linda Tuloup, Dis-moi in La chambre rose (galerie de photographies)