Linda Tuloup, Dis-moi in La chambre rose (galerie de photographies)

Soli­loque

Parfois il s’approche d’elle, erre dans la brous­saille vers le seul sen­tier et sa proxi­mité silen­cieuse. Au fond est des­si­née la figure de la mère. Est-ce elle qui per­met de réin­ven­ter un nou­vel amour, de prendre ensemble, s’emboîter, embras­ser ? Par­fois il se met en boule. Plongé là comme dans son rêve, remon­tant vers le lieu secret, le lieu obs­cur, repre­nant corps.
C’est l’amont para­di­siaque qui attire la remon­tée dans l’origine. La soli­tude s’y fait à deux, en se séjour d’exil et de royaume.

Il se sou­met à l’attente, il se livre à la femme pour la mettre en délice et dépen­dance d’un autre accou­che­ment. Yeux clos, près par­fois de la suf­fo­ca­tion pour la res­pi­ra­tion et le cri qui en naît dans l’abandon. A la femme inves­tie, la Vénus à la four­rure il offre l’orgasme don­nant la vie en son mou­rir.
L’auditorium est absolu et quand pointe la défaillance, c’est moins l’équilibre qui se perd que se gagne le ver­tige de l’engloutissement et de l’attrait.

C’est le geste de s’ouvrir à l’autre en l’ouvrant. C’est le geste de l’abandon. Dès lors, pour­quoi prendre le risque d’un coït trop pré­vi­sible ? Mieux vaut consen­tir à cet office pour châ­te­laine en domaine des dieux. Il retrouve l’inconnu du lieu jamais atteint que la femme incite à épou­ser — au besoin en le cou­vrant de déli­cieuses injures.
Mais peu à peu se sus­pend tout le lan­gage : l’identité s’éprouve dans le tou­cher d’un espace pre­mier, hors de tout des­sein. Le plai­sir se crée à corps perdu dans le souffle, le rythme.

Le voici otage par consen­te­ment pour l’extatique qui saille. Voici le jadis comme renais­sant, le sans fin que les mots disent mais ne peuvent tou­cher.
La femme s’élance entre le dehors et le dedans, entre la langue et le savoir de son atta­che­ment de conni­vence qui l’unit à l’amant dans une société solitaire.

Le soli­loque en son tou­cher de l’intime invente le lan­gage qui n’a pas encore trouvé pas­sage pour l’impensé, l’éprouvé avant que le silence se fasse en ce mou­rir pro­vi­soire en un sens qui tou­jours échappe pour se diri­ger vers la seule vérité.
Le voici absolu vagabond.

Il ne peut rien en dire sinon des mots non-écrits ou éga­rés et quit­tés aussitôt.

jean-paul gavard-perret

Linda Tuloup, Dis-moi in La chambre rose (gale­rie de photographies)

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