L’homme déchu
Un homme politique qui tombe sur un scandale sexuel : c’est le cœur de la nouvelle exposition de Valentin Magaro.
Le Leporello de Valentin Magaro raconte avec humour et finesse cette “aventure” du politicien hongrois et ancien eurodéputé József Szájer, qui a été arrêté en 2020 pendant le confinement à Bruxelles lors d’une fête gay, sexuelle, avec de la drogue, qui a été interrompue par la police en raison du non-respect des règles Corona.
Szájer, se présente comme un père de famille ultra-conservateur dans son pays natal. Il est membre du parti populiste de droite Fidesz de Viktor Orbán qui sape les droits des couples de même sexe en Hongrie.
Cette histoire fut de la nourriture pour les médias et elle a vraiment sauté aux yeux de Magaro, car le thème du deux poids, deux mesures est un point central de son travail.
L’oeuvre commence par les adieux à la famille en Hongrie, puis glisse sans heurts jusqu’au voyage vers une conférence à Bruxelles, et vers la visite du club où il va et vient assez explicitement.
Ceci est suivi d’une tentative de s’échapper le long d’une gouttière, le politicien tombant mortellement près de Magaro, puis ressuscité pour atterrir avec sa famille sur la poitrine de sa femme.
Magaro aborde le sujet du deux poids, deux mesures d’une manière très complexe et le transforme en compositions picturales artistiques avec beaucoup de finesse qui se résume dans une formule de l’artiste : “Aujourd’hui, nous avons un grand écart entre une revendication libérale et un zèle moralisateur.” Dans cette composition d’images, le politicien du Fidesz n’est pas simplement réduit à son double standard bourgeois et caricaturé.
Le spectateur est placé dans la position d’un voyeurisme joyeux, et renvoyé sur cette convoitise tout aussi immorale pour la misère des autres.
Cependant, la structure narrative comique des lithographies n’est qu’un élément de l’œuvre de Magaro. Dans la Galerie Bleisch, se découvre une grande richesse de dessins et d’images différents, qui suggèrent généralement une affinité pour l’artisanat classique.
Par exemple, il y a une référence au « Jardin des délices » de Jérôme Bosch dans une image qui montre la légèreté estivale après le confinement, basée sur les symétries du célèbre triptyque du 15ème siècle.
Et si corps et figures souvent pornographiques semblent quelque peu interchangeables, les compositions sont toujours équilibrées et ne manquent pas d’humour. Citations picturales de l’art et de la culture pop se rencontrent.
Et l’imbrication labyrinthique de la figure, de l’espace et de l’ornementation est parfaitement conçue.
jean-paul gavard-perret
Valentin Magaro, Der gefallene Mann, Galerie Adrian Bleisch, Grabenstrasse 2 · CH 9320 Arbon, du 4 décembre 2021 au 22 janvier 2022.