Anne Sexton, Tu vis ou tu meurs

La “Mère” de la poé­sie de la confession

Née à Nor­ton (Mas­sa­chu­setts), Anne Sex­ton s’est sui­ci­dée en 1974 en s’enfermant dans son garage et en s’asphyxiant avec le gaz d’échappement de sa voi­ture. De son vrai nom Anne Gray Har­vey, elle reste est une poé­tesse amé­ri­caine majeure mais en France elle ne jouit pas du même pres­tige que sa consœur Syl­via Plath.
Pour preuve, il faut attendre cette édi­tion pour que ses oeuvres soient acces­sibles dans notre langue et la belle tra­duc­tion de Sabine Huynh.

Dans ses poèmes lar­ge­ment auto­bio­gra­phiques, elle a ouvert la voie aux femmes poètes et par son écri­ture a contri­bué à lever le voile sur les pro­blèmes spé­ci­fi­que­ment fémi­nins sans les englou­tir dans un dis­cours plat, bien au contraire.
La vio­lence est par­fois telle quelle là où par­fois tout “empeste l’urine”

Ann Sex­ton a com­mencé à écrire des poèmes au début de sa thé­ra­pie avec le Dr Mar­tin Orne au milieu des années cin­quante. Elle avait été hos­pi­ta­li­sée aupa­ra­vant pour une ten­ta­tive de sui­cide. Sorte de vic­time de l’American dream, mais pas seule­ment, elle évoque com­ment sa psy­ché s’est fis­su­rée un peu avant sa tren­taine en nom d’un lourd pas­sif : “J’ai eu un écrou­le­ment psy­cho­tique et j’ai tenté de me tuer” et écrire fut alors une sorte de renais­sance.
Consi­dé­rée comme la “Mère” de la poé­sie de la confes­sion, elle pré­féra à ce qua­li­fi­ca­tif celui de “poé­sie per­son­nelle” pour s’élever en faux contre la théo­rie imper­son­nelle de la poé­sie de T. S. Eliot. Tout ce qu’elle écrit est en effet de cet ordre même ou sur­tout lorsqu’elle aborde le thème de la folie omni­pré­sente dans son oeuve et qui fait d’elle “Quelqu’un qui aurait dû naître” mais dont la logique finira à la mener dans la perte et la mort.

Elle a fait scan­dale parce que D. Midd­le­brook a uti­lisé comme maté­riel les trois cents cas­settes d’enregistrement de séances que le Dr Orne gar­dait en sa pos­ses­sion (la fille d’Anne Sex­ton, sa léga­taire tes­ta­men­taire, Linda Gray Sex­ton, l’y ayant auto­risé). Cela pro­vo­qua une dis­cus­sion pas­sion­née parmi les psy­chiatres et les poètes, qui ont débattu, sur la déon­to­lo­gie du secret, la pro­tec­tion des patients et la sup­po­sée volonté d’Anne Sex­ton de se rendre utile aux autres en ren­dant publique sa souf­france intime.
L’auteure connut une vie tour­men­tée, chao­tique dont ses poèmes témoignent. Qua­li­fié d’hystérique, elle était hal­lu­ci­née et avait des troubles dis­so­cia­tifs majeurs. Pre­nant en note sous les conseils de son psy­chiatre ce qui se disait en séance, elle a trans­formé cette matière en oeuvre poé­tique. Elle a trouvé une forme de struc­tures à qua­torze vers avec un type par­ti­cu­lier de rythmes et de rimes.

Sa poé­sie est adres­sée à sa mère dont la pre­mière longue sépa­ra­tion à l’âge de dix ans a été accom­pa­gnée de l’apparition d’un symp­tôme qui a néces­sité une hos­pi­ta­li­sa­tion. Elle est aussi adres­sée à son thé­ra­peute qui a su l’y pous­ser. Nous y décou­vrons les voix qui criaient de loin et la tour­men­taient dans sa tête.
Elle les attri­bua d’abord sa grand-tante qui était “sa jumelle ado­rée” et qui mou­rut juste avant la pre­mière ten­ta­tive de sui­cide d’Anne Sex­ton. Cette petite voix devint la sienne même si par­fois elle y enten­dait encore son aïeule qui l’invitait par­fois à se tuer. D’une cer­taine manière, après avoir écrit des poèmes majeurs, elle finit par y répondre.

jean-paul gavard-perret

Anne Sex­ton, Tu vis ou tu meursOeuvres Poé­tiques  1960 — 1969, tra­duit de l’anglais US par Sabine Huynh, Des Femmes — Antoi­nette Fouque, Paris,  2022, 320 p. — 24,00 €.

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Filed under Chapeau bas, Poésie

One Response to Anne Sexton, Tu vis ou tu meurs

  1. Anne Marie Carreira

    Triste sort

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