André Robèr, Mi di minm — K

Métis­sage animiste

André Robèr est né à La Réunion en 1955. Issu d’un milieu pauvre, il aban­donne très rapi­de­ment l’école et quitte son île. Il devient élec­tri­cien à l’EDF avant de se diri­ger vers le domaine socio-éducatif de la CCAS et les for­ma­tions poli­tiques du PSU.
Il reprend des études uni­ver­si­taires en arts plas­tiques et il obtient un DEA d’Arts plas­tiques avec comme sujet “Les graf­fi­tis dans l’art contemporain”.

Long­temps mili­tant syn­di­cal et poli­tique, il quitte la gauche pour des mou­ve­ments anar­chistes “La vache folle”, “Anar­tiste” etc. et il essaye de mon­trer que l’art est un moyen d’émancipation en créant notam­ment la Revue “Art et Anar­chie”. Il se met lui-même à créer d’abord avec des maté­riaux de récu­pé­ra­tion (portes de cof­frets élec­triques, restes de résine des chan­tiers, etc.). Mais sa tech­nique évo­lue :  il il uti­lise ensuite les pein­tures acry­liques ou des huiles.

En 1995, il change l’orthographe de son patro­nyme de Robert en Robèr par créo­li­sa­tion, devient com­mis­saire d’expositions puis com­mence à écrire en 2000 sous forme de poé­sies qui mélangent le créole réunion­nais et le fran­çais. Il publie à cette époque Lékri­tir lot koté la mèr. Ce livre devient le creu­set de son oeuvre dont une tri­lo­gie sur l’immigration et des car­nets.
André Robèr ne cesse de s’amuser du contenu et de la forme pour chan­ter la culture réunion­naise au besoin par un recen­se­ment d’insultes, des recettes de tisanes. Et en 2015 il publie son pre­mier recueil écrit uni­que­ment en fran­çais Tel un requin dans les mers chaudes où il s’éloigne du dis­cours sur l’immigration. Pas­sionné par les écri­tures d’avant-garde et véri­table pas­seur, André Robèr a conçu son ate­lier El tal­ler (Treize) comme un lieu ouvert aux ren­contres d’écrivains et d’artistes dont Julien Blaine, Didier Manyach, Claude Massé, Valé­rie Ténèze et Marie Jakobowicz.

La poé­sie col­lage, telle qu’elle appa­raît dans son nou­vel opus, trouve selon lui ses racines “dans une ances­trale capa­cité de l’humain à asso­cier, à dis­so­cier, à façon­ner”. Julien Blaine qui a écrit la post­face de ce livre montre com­ment se découvre, “entre deux enter­re­ments”, les enchan­te­ments de Jacques Lizène, “Inven­teur de l’art nul, Petit maître lié­geois” de Pierre Pinon­celli qui ensan­glanta Mal­raux avec un pis­to­let à pein­ture lors de l’inauguration du musée Cha­gall, de Phi­lippe Cas­tel­lin génial décou­vreur et “capi­taine de pêche”; ou encore de Joan Brossa dont ici la sil­houette s’accoude sur la lettre ori­gi­nelle de la Réunion : le K .

Existent au fil des cha­pitres une extase gra­phique et poé­tique et une ana­to­mie de tout ce qui dépasse les idées reçues sur la culture et de ce qui éclaire la vie, au moins “juste un espace de temps où l’on pourra sur­vivre”. Il y a là une forme de syn­thèse de tous les fon­da­men­taux du créa­teur dont mots et images sont mon­tés ou démon­tés à la Beuys (pré­sent dans le cha­pitre IV) afin, comme l’annonce le sui­vant, “Que la parole se conjugue avec la vie” en mêlant tout ce qui bouge dans la ou les langues et les images.

Les jeux et rythmes du noir sur blanc, du blanc sur noir prouvent de fait que rien n’est de ces deux cou­leurs. D’où l’appel d’un métis­sage ani­miste où — lorsqu’il se trans­forme en mono­théiste — il devient incarné par un “Dieu élé­phant méta­pho­rique” moins sur­vi­vant que sur­vi­vance mythologique.

jean-paul gavard-perret

André Robèr, Mi di minm — K, édi­tions Paraules, 2021, 78 p. — 15,00€.

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