Jean Van Hamme, Teun Berserik & Peter Van Dongen, Blake & Mortimer – t.28 : “Le Dernier Espadon”

Edgar P. Jacobs revu par Jean Van Hamme…

Jean Van Hamme reprend l’esprit qui ani­mait Jacobs lors de la scé­na­ri­sa­tion de ses albums. Il donne une suite magni­fique au Secret de l’Espadon dont la pre­mière planche parais­sait le 26 sep­tembre 1946 dans l’hebdomadaire Tin­tin. Il a su retrou­ver les tics du créa­teur tels ces dia­logues consé­quents, les car­touches nom­breux et étof­fés, l’art de mul­ti­plier les actions et les retour­ne­ments de situa­tions.
Il intro­duit cepen­dant, avec sa verve de conteur de belles touches per­son­nelles, et glisse de nom­breux traits d’humour tou­jours les bien­ve­nus. Il pro­pose de belles idées de second degré tant dans les rela­tions entre les deux héros que dans leurs rap­ports à l’ensemble narratif.

En cette soi­rée de jan­vier 1948, la major Rupert Hum­blet­weed se rend sur un aéro­port mili­taire pour une nou­velle mis­sion en Orient. Il est abattu pen­dant un faux contrôle mené par l’IRA. Un sosie prend sa place.
Quelques jours plus tard, un ancien offi­cier nazi débarque clan­des­ti­ne­ment sur une côte d’Irlande où le res­pon­sable de l’IRA a pré­paré une planque. Il veut, avec l’aide des indé­pen­dan­tistes, reprendre l’Opération Buckin­gham que l’Abwehr, en 1940, n’avait pas menée à son terme, ni en 1944.
C’est à quelques cinq mille kilo­mètres que Mor­ti­mer, sur la demande expresse de Blake, arrive sur le site de Makran avec le ser­gent Nasir. C’est Hum­blet­weed qui l’accueille. Il doit chan­ger les codes des cinq Espa­dons res­tant après la guerre contre les hordes de Basam-Damdu, pour les rame­ner en Angle­terre. En effet, la pré­sence bri­tan­nique n’est plus du tout sou­hai­tée depuis l’indépendance de l’Inde et la par­ti­tion du Pakistan.

Outre un récit dense et dyna­mique qui mène, avec maes­tria, vers un dénoue­ment heu­reux mais très inat­tendu, il intro­duit quelques nou­veau­tés qui n’étaient pas envi­sa­geables à l’époque. La loi sur les publi­ca­tions des­ti­nées à la jeu­nesse n‘était pas encore pro­mul­guée mais la cen­sure ne badi­nait pas avec les écarts. Il place les deux héros dans une telle pos­ture que deux membres du Cen­taur Club, où ils dînent, s’offusquent. Il met en scène une his­toire sen­ti­men­tale avec une scène de lit presque éro­tique.
Il intro­duit les maté­riels et acces­soires uti­li­sés à la fin des années 1940 telle la fameuse machine à sten­cils. Est-ce le scé­na­riste ou les des­si­na­teurs qui ont pensé à mettre, sur le mol­let d’un per­son­nage, un fixe-chaussette, cette sorte de jar­re­tière qui per­met­tait de faire tenir les chaus­settes en place comme les dames devaient en mettre, plus haut, pour tenir leurs bas ?
Van Hamme ins­crit son récit dans un cadre his­to­rique mêlant la sou­ve­rai­neté de l’Inde et du Pakis­tan et la guerre menée par l’IRA, l’Irish Repu­bli­can Army.

Si le des­sin se par­tage entre Teun Ber­se­rik et Peter Van Don­gen, la mise en cou­leurs relève du seul talent de Peter Van Don­gen, ce qui crée une homo­gé­néité. Rompu à l’exercice après avoir mis en images deux albums pré­cé­dents (La Val­lée des Immor­tels), tous deux affinent leur maî­trise jacob­sienne. Comme le créa­teur ori­gi­nal, ils placent de nom­breux détails dans leurs vignettes, ce qui offre de belles décou­vertes. On mesure le tra­vail consé­quent sur la docu­men­ta­tion et leur belle connais­sance de la période.
Un scé­na­rio magni­fi­que­ment ima­giné où Jean Van Hamme démontre, si besoin était, tout son talent de racon­teur de récits d’aventure et d’action. Le duo de des­si­na­teurs fait mer­veille pour res­ti­tuer l’esprit d’un album devenu mythique, une réfé­rence en matière de bande dessinée.

À lire une telle his­toire, on ne peut que féli­ci­ter l’épouse de Jean Van Hamme pour avoir pro­mis à l’éditeur l’écriture d’un scé­na­rio, et l’engager… à recommencer.

lire un extrait

serge per­raud

Jean Van Hamme (scé­na­rio), Teun Ber­se­rik (des­sin) & Peter Van Don­gen (des­sin et cou­leur), Blake & Mor­ti­mer – t.28 : Le Der­nier Espa­don, Dar­gaud, coll. “Blake & Mor­ti­mer”, novembre 2021, 64 p. – 15,95 €.

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