Une femme (fille du disparu et soeur de l’auteur) cherche à comprendre ce qui fut. Mais que peut-elle retrouver entre les paysages algériens et français et les souvenirs de guerre? Elle regarde le ciel ordinaire d’un jour terne et qui, à mesure que la quête avance, devient paradoxalement sans lointain. Ce qui survient est immuable.
Un ciel ne change pas. Le soir, il tourne au gris puis au noir. Même couvert de nuages, il est vide. C’est déjà pour la femme l’absolue absence.
Le monde promis est déjà au-delà, ou en deçà. Tout se trouve avoir déjà été effacé comme ça, dans l’immobilité d’un vide où tout s’est depuis toujours perdu. L’histoire est jouée : elle voue la femme comme le poète à se survivre.
Et ce, comme si un trait était tiré surtout au nom d’angoisses qui dépassent les siennes et dont les deux ont hérité.
A la conquête de l’espace fait place l’autre face de l’enfance, celle que certains estimeront d’une vanité essentielle de pur reflet ou de puérilité absolue. L’être est hors de tout et n’en guérit pas.
Il ne s’en relève pas vraiment même s’il s’agira pour lui de survivre. Il est mis à distance. Pouvoir et savoir expropriateurs ont fait autorité.
Face à ce qui ravage, que reste-t-il de communicable et de jubilatoire ? Du passé glisse un abîme irrévocable et absolument séparé du monde à construire.
Demeure néanmoins l’affirmation d’une sorte de foi dans et hors la pensée, le corps, le temps.
Reste ce qui témoigne — en le clair-obscur du secret — de la part incommunicable de chacun. Le livre en ses poèmes-pierres fait vibrer le silence.
L’origine se perd dans la viscosité d’un il y a qui détourne ou dissuade de toute assise.
La seule issue reste d’écrire en portant à faux et en emportant la possibilité du fondamental.
Car ce qui est trahi par l’écriture, c’est l’écriture même — flèche visant le vide, tombant toujours trop tôt ou trop tard.
jean-paul gavard-perret
Erwann Rougé, L’absent, éditions Unes, Nice, 2021, 56 p. — 16,00 €.