Jean Daive, Penser la perception

L’injonc­tion de l’art qui excède la pensée

Jean Daive, poète et roman­cier, cocréa­teur des “Nuits magné­tiques” de France culture, ani­ma­teur de “Pein­ture fraîche” et créa­teur de revues (K.O.S.H.K.ON. O.N.G par exemple) a passé toute une par­tie de sa vie à l’écoute des peintres. Il reste au pre­mier plan pour rela­ter ce qui s’est passé dans l’art et la lit­té­ra­ture.
Ce nou­vel ouvrage recueille quelques essais mais sur­tout entre­tiens avec des artistes et écri­vains réa­li­sés pour France Culture. Il devient le troi­sième volet d’un polyp­tique com­posé de : L’Exclusion (édi­tions Jean Four­nier, 2015), Pas encore une image (L’Atelier contem­po­rain, 2019) (À paraître en 2023 : Le Der­nier mur, L’Atelier contemporain.).

Penser la per­cep­tion aborde la ques­tion du film, de la pho­to­gra­phie et de l’écriture. Et l’auteur le défi­nit ainsi : ” je l’ai conçu (construit) comme un roman où les épi­sodes inter­viennent, se suivent dans une dra­ma­ti­sa­tion qui trans­forme la parole de chaque artiste selon un pro­gramme et ses inten­tions”.
Il s’agit pour l’auteur de mon­trer des artistes à des moments et endroits dif­fé­rents, de leur poser presque les mêmes ques­tions ou poser des ques­tions dif­fé­rentes afin de mon­trer ce qui existe et mon­trer ce qui change comme par exemple une manière de mon­trer un tran­si­toire mal­gré l’invariant des ques­tions posées.

Le livre évoque des vies en mou­ve­ments dans une dia­spora de noms non semés sur le sable mais aux cimes de l’art. S’y retrouvent Jean-Marie Straub et Daniel Huillet, Jean-Luc Godard, Roberto Matta et Alain Jouf­froy, Betty Good­win, Patrick Tosani, Georg Base­litz, Chan­tal Aker­man, Gérard Garouste, Natha­lie Sar­raute, Jana Ster­bak, Gisèle Freund, Fran­cis Ponge, Mar­gue­rite Duras, Jean-Luc Mou­lène, Jean-Michel Albe­rola, Niki de Saint-Phalle et Jean Tin­guely, Joris Ivens, Antoine d’Agata, Pierre Tal Coat, André du Bou­chet, Pipi­lotti Rist, Jean-Pierre Ber­trand, Hel­mut New­ton et Alice Springs, Raoul de Kay­ser.
Alors que les pre­miers livres de ce polyp­tique posaient et étu­diaient le constat sui­vant : “ce que je regarde n’est pas ce que je vois”, de même que “l’image n’est plus à regar­der, mais à lire et l’écriture n’est plus à lire mais fait image”, ce nou­vel opus montre au vif (par­fois des silences et des rires) l’animation magique de l’image et de l’écriture qui se nour­rit des éner­gies parmi les plus farouches et les plus obscures.

La parole des artistes y est par­fois mys­té­rieuse et obs­cure. Les ques­tions et les ana­lyses de Daive peuvent l’être tout autant — mais à des­sein. D’où cette suc­ces­sion d’ondulations, d’attentes et d’échanges pour mettre à nu — par l’énigme et l’injonction de l’art qui excède la pen­sée — celle des êtres et du monde.
Par­fois, les créa­teurs viennent y mettre au clou leur vie pour mieux sou­le­ver ce qui peut les abattre mais tout autant les fait vivre.

jean-paul gavard-perret

Jean Daive, Pen­ser la per­cep­tion, L’Atelier contem­po­rain, Stras­bourg, 2022, 400 p. - 25,00 €.

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