Liliane Giraudon, Polyphonie Penthésilée

Ce que font les femmes

Penthé­si­lée, reine des Ama­zones, via Liliane Girau­don, sou­lève entre autres une ques­tion : majeure : que font les femmes à la poé­sie  après des siècles d’effacement, d’interdictions, de fin de non-recevoir de leurs langues et de leurs mémoires ?
Liliane Girau­don prouve com­ment s’extraire de ce néant par des stra­té­gies de pillages, détour­ne­ments, inven­tions, décou­pages. Si bien que ce long poème est une décla­ra­tion de guerre de celles qu’on vou­lut de guère et de vies jetées.

Il y a sou­dain comme un échange d’ADN entre les corps des femmes et ceux qui se vou­lurent leurs lan­ciers du Ben­gale en les rédui­sant à des ben­ga­lîs dont les plumes n’avaient que le droit de gré­siller à l’air frais tan­dis que les Adam machistes mataient leurs deux pommes d’amour.
Ce livre devient un “halte-là”, et les femmes veulent sor­tir du bon usage des mots et des droits de cuis­sages poé­tique. Les Ely­sées ne sont plus recluses, elles mettent de la ciguë dans la soupe de leurs mâles qui vou­drait les réduire à de la poé­sie confite.

Celles qui furent prises pour des morues se des­salent avec un art accom­pli du néga­tif pour mon­trer que ceux qui enflaient jusque-là des che­villes en pré­ten­dant que leur écri­ture regor­geait de gin­gembre et de bois bandé ne sont que des épi­gones tra­ver­siers. La colère fait le lit de roses de per­sonne sinon d’elle-même. Plus ques­tions d’y trem­per le bis­cuit ou mor­diller leurs airelles sans autres formes de pro­cès.
Ici, moins de décons­truc­tions cepen­dant qu’un usage ther­mo­dy­na­mique des mots et des figures de style.

Il n’est plus conseillé à ceux qui se croient poètes à la place de leurs reines de repeindre leurs cuisses. La ou une des ques­tions essen­tielles est de gagner la par­tie face aux fai­seurs de musiques, aux ros­si­nants ros­si­gnols dont la pho­no­lo­gie n’est qu’une en phase avec le sys­tème et son emphase. Quelque chose de brû­lant se pro­duit et qui donne le ver­tige à tous ceux qui sont déjà morts mais ne le savent pas.
Ici, la poé­sie avance sans fio­ri­tures, ni bleus à l’âme, cra­chats ou contrepèterie.

C’est comme si jusque-là les mâles n’avaient pra­ti­qué que les brouillons de la poé­sie. Leurs mosaïques sont désor­mais inadé­quates et irré­duc­tibles aux formes du séjour ici-bas. En se vou­lant des Jésus, ils ne furent que des zazous dans la lan­terne n’était là que pour éclai­rer leur glaive. Il s’agit de tran­cher : Liliane Girau­don s’exécute et n’y va pas de main morte, elle découpe.
Vegans du logos et des poé­tiques reçues s’abstenir.

jean-paul gavard-perret

Liliane Girau­don, Poly­pho­nie Pen­thé­si­lée, P.O.L édi­teur, Paris, décembre 2021, 144 p. — 18,00 €.

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