Par glissements, Gérard Macé entraîne le discours vers une convulsion. Elle pousse le lecteur et le regardeur en un (profitable) désarroi. En effet, un tel texte oblige à vivre sans vérité puisque tout se penche jusque là où le violon d’Ingres en perd ses cordes. Dès lors, ce que l’auteur évoque quitte le théâtre baroque pour un spectacle classique. Il y a donc un double jeu : la tension des photographies coupe la parole aux mots en donnant des pistes visuelles à leur abstraction. A l’inverse, les mots reconstituent dans leurs éboulis ce que la photographie impose. Si bien que la conviction que le sens commun accorde à la possibilité du discours, comme à la photographie, de se poursuivre se mord la queue.
L’un et l’autre deviennent des témoins inassermentables puisque les mettre « en repons », comme le propose Macé, permet de les faire fonctionner autrement. Le désir reste en frontière des phrases et des images. Les unes n’accumulent plus en elles les eaux mortes des autres, elles les vivifient. Demeure à peine dans la pénombre de la volupté un moindre reste de bon sens. Il fait la folie de l’œuvre. S’y repère un état évanescent. Le texte n’est plus la traduction d’un discours de clôture que « fermerait » dans ses effets de peau la photographie. Celle-ci surgit afin que l’extase soit nue et non perçue comme matière mutilée du discours. D’où ce double chemin de foudre. Mais tout en demi-teinte. S’y respire l’abîme. Sa perfection est un toast à l’univers pensé mais indicible. Si bien que le lecteur-voyeur reste sur le seuil de rêve. L’auteur dans ses prébendes le préserve, sachant que celui qui cède à la tentation du réel ne peut que le perdre.
jean-paul gavard-perret
Gérard Macé, Odalisques et violon d’Ingres, 2013, 20 p. — 270, 00 €
- sous étui toilé, tirage limité à 30 exemplaires sur BFK Rives, numérotés et signés, enrichis de deux photographies originales tirées aux encres pigmentaires sur pur chiffon d’Hanemühle justifiées et signées par l’auteur