Une question hante les historiens de la Seconde Guerre mondiale : pourquoi Gamelin ? Il était l’officier supérieur le plus intelligent, le plus brillant de sa génération, sorti premier de Saint-Cyr et deuxième de l’Ecole de Guerre mais porte l’entière responsabilité de la terrible défaite subie par l’armée française en mai-juin 1940.
Ces deux éléments structurent la biographie très solide dans ses sources et très objective dans sa sévérité que lui consacre Max Schiavon, spécialiste désormais reconnu des généraux français.
Brillant, Gamelin l’était. Et il le savait. Il ne pouvait qu’atteindre les plus hauts sommets de la hiérarchie militaire. Une ascension facilitée par un efficace réseau politique dont ce républicain de tendance radical-socialiste sut se servir à merveille. Inspirant confiance aux dirigeants de la IIIe République, ils lui confièrent la direction de l’armée. Et il fit tout pour les convaincre qu’ils avaient fait le bon choix.
Or, Gamelin n’était pas à sa place. Max Schiavon en démontre avec clarté et finesse les limites : un homme de réflexion et non d’action. Sur le papier, son plan d’engagement en Belgique et d’arrêt des Allemands sur une ligne de résistance était solide. Sauf que l’ennemi n’agit pas comme Gamelin l’escomptait. Aucun plan B. Son brillant théorème s’écroula sur la réalité. Il fut le premier à le comprendre.
Joffre aussi s’était trompé en 1914 mais avait su réagir. Surtout, il n’avait pas les défauts incommensurables de Gamelin. Vaniteux, menteur, flagorneur, faible, timoré, il était tout cela. Du surcroît, il ne sut pas ou ne voulut pas commander au moment où l’armée avait besoin de l’autorité de son chef, mais en plus il possédait une capacité hors norme pour rejeter sur les autres ses propres insuffisances, que ce soit sur Daladier ou sur le général Georges. Bref, un homme détestable qui passa le reste de sa vie à se défendre au lieu d’assumer.
Gamelin ne possédait aucune des qualités d’un militaire. Il n’était pas à sa place. Max Schiavon le démontre d’une manière implacable.
frederic le moal
Max Schiavon, Gamelin. La tragédie de l’ambition, Perrin, octobre 2021, 416 p. — 25,00 €.