Carole Johnstone, Mirrorland

Quand les mondes imaginaires…

Cat (Catriona) est en Cali­for­nie quand sa sœur jumelle dis­pa­raît à bord d’un voi­lier, en Écosse. Ross, l’époux d’El (Ellice) la pré­vient. C’est à JFK qu’elle se décide à consul­ter un site d’informations. Les nou­velles sont inquié­tantes. L’angoisse va crois­sant pour la dis­pa­rue de Leith. Ellice MacAu­ley est-elle encore vivante ?

Cat retrouve la mai­son de son enfance occu­pée, depuis son départ il y a douze ans, par le couple El et Ross. Ce der­nier est démoli par la dis­pa­ri­tion de son épouse. Les sou­ve­nirs remontent. Elle revit la com­pli­cité avec sa jumelle, leurs lec­tures, la construc­tion de Mir­ror­land, leur uni­vers ima­gi­naire, leur vie entre Papy et leur mère. Elle ne peut pas admettre que sa sœur soit morte. Elle sent, elle sait qu’elle est tou­jours vivante.

Elle est dans la cui­sine quand on sonne. Le temps qu’elle réa­lise, il n’y a plus per­sonne. Sur le sol, une enve­loppe à son nom contient une carte avec ces mots : “VA T’EN.” Cat est sûre que ce mes­sage émane de sa sœur. Les jours sui­vants, d’autres arrivent par mes­sa­ge­rie, qui font réfé­rence au Mir­ror­land, puis accusent Ross. Mais pour­quoi Ellice ne se montre-t-elle pas ? Pour­quoi ne veut-elle, ne peut-elle pas reve­nir ? Et pour­quoi, il a douze ans se sont-elles fâchées à ce point?

La roman­cière uti­lise la sphère émo­tion­nelle de la gémel­lité pour struc­tu­rer un récit riche en rebon­dis­se­ments. Elle met en scène deux fillettes si res­sem­blantes que : “La regar­der, ça tou­jours été comme me regar­der dans la glace.” Ces deux enfants gran­dissent dans un uni­vers clos entre un Papy étrange et une mère pos­ses­sive qui bloque toutes ouver­tures sur le monde exté­rieur. Dans cette grande mai­son, elles ont tout loi­sir, et comme unique loi­sir, de créer un monde qu’elles peuplent en fonc­tion des lec­tures que leur fait leur mère, de leurs propres lec­tures. C’est un monde peu­plé de per­son­nages issus des contes, nour­ris d’êtres mer­veilleux ou mons­trueux avec des pirates, des sor­ciers, des fées…
Puis c’est la rup­ture de la fusion. En colère El pro­fère à Cat : “Je te déteste. Pars. Tout ce que je veux, c’est que tu ne sois plus là.

Tout le récit passe par la voix de Cat. Celle-ci était ins­tal­lée comme jour­na­liste free-lance en Cali­for­nie. Elle décrit, raconte, laisse la parole à d’autres pro­ta­go­nistes essen­tiels pour le che­mi­ne­ment de l’intrigue. Ellice est pré­sente à tra­vers les sou­ve­nirs de sa jumelle. La situa­tion évo­lue très vite. Des per­son­nages nou­veaux apportent une nou­velle vision des évé­ne­ments, du passé. Et c’est le drame.

Avec deux sœurs et un mari, Carole Johns­tone construit un récit en ten­sion menant vers une conclu­sion inat­ten­due, d’une belle réso­nance par rap­port à la tona­lité de l’histoire. Avec les confi­dences, les révé­la­tions, c’est aussi la mal­trai­tance, la vio­lence faite aux enfants, aux femmes que la roman­cière aborde.
Un roman qui se lit avec inté­rêt pour son uni­vers inno­vant, pour son intrigue fort bien construite, bien menée et riche en révélations.

serge per­raud

Carole Johns­tone, Mir­ror­land (Mir­ror­land), tra­duit de l’anglais (Écosse) par Héloïse Esquié, fleuve noir coll. “Poli­cier & Thril­ler”, Août 2021, 448 p. – 21,90 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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