En dix ans et à cheval sur le XVI et XVII siècles, ont été publiés de manière anonymes 8 monologues satiriques rédigés en franco-provençal pour se moquer du Duc de Savoie Charles Emmanuel le Grand. Ils ont sans doute été diffusés à Lyon et composé possiblement par un huguenot genevois : Louis Garon venu dans la capitale des Gaule pour échapper aux persécutions religieuses de l’époque.
L’influence de Rabelais est certaine dans ces textes drolatiques là où, en l’un d’eux, se retrouve une version du Meunier, du fils et l’âne antérieur à celle que La Fontaine en donnera un demi-siècle plus tard.
Les Genevois ne sont pas épargnés et semblent chatouillés par les diables. Ce qui ravit l’auteur. Il souligne tout autant la mauvaise foi des dits grands qu’il n’hésite pas à déclarer “immondes”. D’où l’appel aux Savoyards à se soulever en rappelant ce que le Duc agença.
L’auteur ne se dit ni d’un côté, ni de l’autre : voire… Car les actions du Prince vont de travers en Savoie, en Dauphiné comme en Provence. Existe un appel constant à l’irrévérence dans un texte qui bouillant de rage ne manque jamais de sel ironique. Le foisonnement de formes rappellent les libéralités de Rabelais face au langage non encore “dressé” par Vaugelas.
Cette plongée dans le temps ne possède pas qu’un intérêt historique. C’est une leçon de verve poétique dans une langue dont la région de Chambéry devient le centre. Tout balance avec force et irrévérence.
Manière de se ressourcer à une langue et une épistémologique historique presque premières.
jean-paul gavard-perret
Anne-Marie Vurpas, Moqueries savoyardes (1594 — 1604), coll. Régionales, EMCC, Lyon, 192 p., 2021, –10,00 E.