Jean-Luc Parant écrit le livre qui parle à tout amateur de tels objets dont parfois ses bibliothèques débordent. Qui n’a pas acheté de livres en se promettant de lire plus tard mais qui — faute de temps — dorment encore dans l’attente de leur propriétaire à la fois prévoyant et imprévoyant ?
C’est bien à ses semblables frères et soeurs qu’il adresse sa complainte : “Ma bibliothèque aux milliers de livres, ce sont les milliers de tours de soleil que je ne pourrai pas faire sans m’être consumé avant le centième tour, et n’avoir lu que le dixième”.
Néanmoins, même les “muets” ne sont pas inutiles : grâce à eux, écrit Parant, “je vivrai plus longtemps : un livre et un instant de plus, mille livres et mille instants à vivre en plus.“
Preuve qu’une telle accumulation donne une sorte d’éternité (certes provisoire) à l’existence.
Sondant de telles richesses, l’auteur faute d’aller plus loin peut déjà les caresser du regard pour se rassurer. Ils ont plus d’effet sur lui que tous les astres de l’univers.
Ils ne sont pas pour rien jusque dans leurs empilements sur la nature obsessionnelle, répétitive et envahissante d’une oeuvre où visible et invisible s’imbriquent.
Si bien que, comme beaucoup de ses potentiels lecteurs, l’auteur commet une belle erreur suprême : toute bibliothèque dans son paradoxal réduit (de diverses dimensions) reste moins la réduction que l’augmentation du monde.
Pour Parant, et à côté de ses fameuses boules, de tels rectangles ne comptent donc en rien pour des prunes.
jean-paul gavard-perret
Jean-Luc Parant, Dans ma bibliothèque, Illustrations de Jean-Marie Queneau, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2021, 96, p. — 16,00 €.