Nier l’amour qu’on éprouve, éprouver l’amour qu’on nie
Le décor est précieux : fait d’escaliers, de quadrilatères qui s’inscrivent sur un fond de nature présentée de façon artificielle. La musique suscite l’idée d’indétermination. Le dialogue entre la maîtresse et la servante présente la situation : pour se remettre du chagrin provoqué par son veuvage, une marquise s’isole en compagnie d’un chevalier affecté par un amour déçu. Une succession de confessions affectées, de manigances faussement improvisées conduira inévitablement la marquise et le chevalier dans les bras l’un de l’autre.
Au XVIIIe siècle, la justification de la passion par la raison est de mise ; elle est portée à son comble par Marivaux, qui tend à rendre futiles et comiques les répliques des maîtres dont l’hypocrisie est révélée par la clairvoyance un peu crue des serviteurs.
Le parti pris maniériste d’Alain Françon consiste à d’emblée laisser augurer de la fin de l’histoire, afin d’accentuer les minauderies et les atermoiements des personnages : ainsi se trouve mis en valeur le jeu des comédiens. La représentation est plaisante, agile, nourrie de surlignages ; les réserves langagières se muent parfois en gesticulations hystériques ; les acteurs peuvent déployer toute la palette de leurs capacités.
Il s’agit toujours de nier l’amour qu’on éprouve et d’éprouver l’amour qu’on nie, comme si le verbe ne pouvait s’accorder avec le cœur. On assiste à un joyeux badinage qui a la pudeur de se présenter pour ce qu’il est : une distraction heureuse qui nous restitue l’état d’esprit d’une société cherchant à justifier toutes ses passions sans jamais y parvenir.
christophe giolito
La Seconde Surprise de l’amour
de Marivaux
mise en scène Alain Françon
© Jean Louis Fernandez
avec Thomas Blanchard, Rodolphe Congé, Suzanne De Baecque , Pierre-François Garel, Alexandre Ruby, Georgia Scalliet.
Interprètes de la musique Floriane Bonanni Faustine De Mones Del Pujol Hélène Devilleneuve.
Dramaturgie/assistant à la mise en scène David Tuaillon ; décor Jacques Gabel ; lumière Joël Hourbeigt ; costumes Marie La Rocca ; musique Marie-Jeanne Séréro ; chorégraphie Caroline Marcadé ; coiffures/maquillages Judith Scotto ; son Léonard Françon, Pierre Bodeux.
Au théâtre de l’Odéon Ateliers Berthier Ateliers Berthier 1, rue André Suares 75017 Paris
Du 5 novembre au 4 décembre 2021. Location www.theatre-odeon.eu 01 44 85 40 40
Horaires du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h relâche exceptionnelle le dimanche 7 novembre représentation avec audiodescription dimanche 28 novembre représentations surtitrées en anglais samedis 13, 20, 27 novembre et 4 décembre représentation surtitrée en français vendredi 3 décembre.
Production Théâtre des nuages de neige coproduction Théâtre du Nord – centre dramatique national Lille Tourcoing région Hauts-de-France, Théâtre Montansier – Versailles le décor a été en partie construit dans les Ateliers du Théâtre du Nord le Théâtre des nuages de neige est soutenu par la Direction générale de la création artistique du ministère de la Culture avec le soutien du Cercle de l’Odéon.
Tournée 2021–2022 9 au 19 décembre — TNP – Villeurbanne 20 au 21 janvier — Théâtre Liberté – Toulon 1er au 5 février — Théâtre municipal de Caen 10 au 19 février — Théâtre Montansier – Versailles 8 au 12 mars — Théâtre Dijon-Bourgogne – centre dramatique national 16 au 18 mars — Théâtre de Colmar – scène nationale 24 mars au 1 avril — Théâtre national de Strasbourg 6 au 9 avril — Théâtre du Jeu de Paume – Aix en Provence 13 au 16 avril — La Comédie de Saint Etienne – centre dramatique national 26 et 27 avril — Théâtre de Beauvais.