Bizarrement, cette correspondance qu’on s’attendrait à être coruscante reste finalement snob et d’un bourgeoisisme appuyé.
Clarisse Barthélémy a bien cadré de tels échanges de 40 ans d’autant plus savoureux que les marques d’amitiés témoignent d’une distance certaine de la part d’écrivains qui en d’autres lieux et face à d’autres “amis” se laissaient aller à bien plus que ces ronds de jambes et rodomontades.
Question “Paris vaut bien un poulet”, André Breton n’y va pas par le dos de la cuillère à onguent : “vous ne pouvez savoir comme j’aime le timbre de votre voix qui peut fort bien être qualifiée de magique”. (p. 207). Et les deux se livrent à des jeux de chaises musicales pour faire avancer leurs poulains et leurs oeuvres respectives à l’ombre de Gallimard.
La littérature ne s’en trouve pas forcément grandie mais à l’inverse elle ne rétrécit pas plus.
Elle est ici dans les mains de deux mécaniciens du cycle de ses fluides et qui savent (ou le croient) ce qu’ils peuvent attendre l’un de l’autre.
Ici, l’amitié est un bon usage. Les supposés attachements se parsèment de taffetas. On n’est pas entre vieilles dames mais il s’agit encore d’une littérature sur canapé, fruit d’une culture très largement codée et de caste.
De la part de Breton, les lettres semblent parfois des missives amoureuses. Quant aux frémissements de Paulhan, ils ne grouillent pas.
Bref, la correspondance reste une stratégie où l’amitié roule comme elle peut : “Affectueusement”. Ni plus ni moins.
Quant aux addendas de cette édition, ils sont des plus intéressants.
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jean-paul gavard– perret
André Breton, Jean Paulhan, Correspondance. 1918–1962, édition de Clarisse Barthélémy, Gallimard, collection Blanche, Paris, 25 novembre 2021, 256 p. — 22,00 €.