Cela faisait quelques temps qu’Enrico Marini caressait le projet de mettre en scène, et en images, un polar sombre en utilisant des tons de gris et de noir pour retrouver un style des années 1940–1950.
Il en apprécie l’atmosphère, les accessoires, les vêtements et les automobiles.
Aux États-Unis, dans les années 1950, une jeune femme rousse rentre à l’hôtel où elle loge. Alors qu’elle veut allumer la chambre, un homme assis dans le fauteuil se manifeste, la menaçant d’une arme. Il hésite entre la tuer ou l’embrasser. Choisissant la seconde option il la prend dans ses bras. Derrière son dos, elle sort un révolver de son sac. Un coup de feu retentit…
Ce même homme, appelé Slick, braque une bijouterie et peut s’enfuir avec l’aide de la vendeuse. Il se rend dans la boîte de nuit où se produit Caprice dans un spectacle dénommé Burlesque. La boîte est tenue par Rex, un mafieux, à qui il remet le produit de son vol après quelques démêlés avec le personnel du club. Il assiste au numéro d’effeuillage de Caprice. Celle-ci le rejoint, l’appelle Terry car ils se connaissent bien, ayant vécu ensemble avant qu’il ne parte combattre dans l’Europe en guerre. Caprice, son nouveau nom, va épouser Rex. Slick, qui n’a pas fini de payer sa dette à Rex est en butte aux désirs de vengeance de Punch, un ex-acteur devenu garde du corps, après avoir échoué à Hollywood. Pourquoi Slick accuse-t-il Caprice de l’avoir trahi ? De quoi et pourquoi veut-il se venger ?
Avec ce nouvel album, Enrico Marini propose un univers où règnent le crime et la violence avec une galerie de protagonistes composée de truands, de petites frappes et des femmes à la beauté prodigieuse. À cette époque, des femmes étaient présentées comme fatales dans des œuvres littéraires et cinématographiques. Ces femmes sont mystérieuses, somptueuses, sensuelles et érotiques, et surtout imprévisibles. Elles gravitent dans des univers louches, glauques, séduisent des hommes souvent mafieux aux airs de durs, mais avec des failles.
Le scénariste joue sur l’ambiguïté de ces personnages avec les différentes facettes de leur caractère, avec l’apparence qu’ils souhaitent donner. Il place les acteurs du drame en situation critique, les obligeant à des choix douloureux.
Il retient un dessin en noir et blanc avec ces niveaux de gris qui rappellent les films noirs, hollywoodiens ou non, de l’Entre-deux guerres. Pour accentuer des détails, il sème des touches de couleurs vives. Si les hommes portent des costumes bien taillés, l’héroïne dévoile largement sa plastique, une silhouette parfaite. Enrico Marini esquisse des décors, se fait très réaliste dans les attitudes de ses protagonistes et offre un graphisme remarquablement mis en scène.
Le découpage optimisé, les cadrages larges et des pleines pages superbes étayent le travail de mise en images.
Un nouvel album d’Enrico Marini est toujours un événement dans le monde de la bande dessinée.
Une fois encore l’auteur complet fait sensation.
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serge perraud
Enrico Marini (scénario, dessin et couleurs), Noir burlesque — Tome 1, Dargaud, novembre 2021, 96 p. — 18,00 €.