Clarice Lispector, Correspondance

Du grand art, natu­rel, instinctif

Quels que soient ses inter­lo­cu­trices et cor­res­pon­dants, Cla­rice Lis­pec­tor a le don de l’écriture. Toutes les lettres sur­prennent par leur liberté, leur sen­sua­lité ; leur natu­rel.
Pour les écrire, Cla­rice peut deve­nir madone trô­nant dans une salle d’attente, s’offrir au besoin à ceux que tour­mente le sou­ve­nir. Mais dans tous les cas, elle reste droite sur ses jambes.

Les mots semblent cou­ler de source avec autant d’aisance pour les proches que pour les pro­fes­sion­nels dont son tra­vail et son oeuvre dépendent. L’auteure non plonge vers son coeur sau­vage comme dans les rues des grandes villes et on est sur­pris de retrou­ver parmi ses rela­tions Pierre Les­cure presque ado­les­cent et sub­ju­gué par la tigresse par­nas­sienne.
Celle qui éprouve une grande “sau­dade” envers celles et ceux qu’elle aime raconte des ins­tants sereins plu­tôt que mâcher des mal­heurs mais sans jamais tom­ber dans le bavar­dage spé­cieux. Elle est four­nis­seuse en par­fum de vie pour celles et ceux à qui furent adres­sées ses lettres comme aux lec­teurs ano­nymes aujourd’hui douillet­te­ment blot­tis dans cette prose du froid comme des tropiques..

Cela, de décen­nie et décen­nie, se lit le plus sou­vent comme une aven­ture eupho­rique. La cri­quette sait conso­ler les cri­quets pour apai­ser leur soli­tude. C’est du grand art, natu­rel, ins­tinc­tif.
C’est de la lit­té­ra­ture oran­ger qui éloigne du froid, donne vita­mines et cou­leurs. Une telle Blanche-Neige fait à elle seule les sept nains et le prince.

Et cette cor­res­pon­dance géné­rale était tout compte fait la par­tie la plus pro­fonde de l’oeuvre d’une fille, d’une mère, d’une femme qui ne se plaint jamais, pro­cure du bon­heur et avance jusqu’aux der­nières lettres si poi­gnantes.
La créa­trice prend congé du monde.

Et ici, tout est dit ce qu’il fal­lait taire mais sans qu’aucune trans­gres­sion ne soit exé­cu­tée — de tels mots enfan­tant le silence

jean-paul gavard-perret

NB : Paraît au même moment chez le même édi­teur et sous forme de livre d’artiste par Julia Chaus­son La femme qui a tué les pois­sons et autres contes.

Cla­rice Lis­pec­tor,
- Cor­res­pon­dance, trad. du por­tu­gais par Didier Lamai­son, Clau­dia Pon­cioni et Pau­lina Rot­man, Des femmes — Antoi­nette Fouque, 2021, 400 p. — 26,00 €.
La femme qui a tué les pois­sons et autres contes avec Julia Chaus­son, 2021, 96 p. — 15,00 €.

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