Elfie est une fillette délurée de onze ans. Elle a deux sœurs, Magda, douze ans, et Louette qui en a dix-huit. Leur mère, Mélusine, qui pratiquait la magie n’est plus là depuis l’incendie de leur maison. C’est dans cet incendie que Magda a perdu une jambe remplacée par une prothèse. Si elles ont été placées chez leur tante, Elfie et Magda sont sous la garde de leur aînée depuis qu’elle est majeure.
Celle-ci a acheté un bus anglais qu’elle a transformé en librairie ambulante. Elfie possède un grimoire, donné par sa mère, qui lui permet, sous condition, de pratiquer la magie.
Pour l’heure, elles arrivent en Provence chez Alistair Kinloch, un ami de leur mère. C’est elle qui l’a poussé à écrire, lui a offert une machine à écrire de collection, une Underwood n°5. Ainsi il a publié Quatre saisons en Provence, devenu un bestseller. Mais Alistair a quelques soucis. Sa propriétaire, Madame de Roquefavour lui réclame plusieurs mois de loyers alors qu’il paye régulièrement. On a tiré à la chevrotine sur son portail.
Elfie est sur le toit à regarder les étoiles quand elle entend des coups. Une silhouette cagoulée cloue une affiche sur les volets. Elle tente de le poursuivre… sans résultats. Sur l’affiche, le texte “Gare au Dit des cigales” amène Alistair à raconter ses ennuis. Outre les chevrotines, il a eu sa maison envahie par des chats noirs, des traces de sabots de bouc sur sa terrasse, un pentacle sanglant sur le carrelage et… on lui a volé son Underwood, le rendant incapable d’écrire. Elfie décide d’enquêter pour connaître celui qui s’acharne contre Alistair…
Après la Bretagne, c’est au tour de la Provence de recevoir la visite de ce trio détonnant. Comme dans le tome précédent, les héroïnes découvrent les traditions et la magie de la région. Les auteurs mettent en scène une galerie de personnages pittoresques, qui attirent la sympathie ou font office de repoussoir. Mais, souvent une attitude revêche n’est qu’une protection et lorsque la carapace est percée, il se révèle une personne bien agréable.
Les scénaristes dévoilent un peu plus l’histoire de Mélusine, leur mère, par le biais de son ami, mais laissent planer encore beaucoup de mystères. Bien sûr, Elfie occupe le devant de la scène et tient son lecteur en haleine avec ses enquêtes et la manière bien particulière de les mener. C’est gai, le propos est enlevé, les dialogues pétillent et l’humour est toujours très présent.
Les auteurs empruntent de belle manière à la culture populaire et lui rendent hommage. Ainsi, les Quatre saisons en Provence, le succès d’Alistair se rapproche beaucoup d’Une année en Provence, réel bestseller de Peter Mayle. La visite de L’Isle-sur-la-Sorgue est touchante. Ils ajoutent un conteur, la légende du diable en sabots, celle des chats noirs et utilisent quelques vocables locaux bien poétiques
Le prénom Alistair ne doit sans doute rien au hasard. Il y a dans le domaine de l’ésotérisme un individu porteur du même prénom mais qui ne s’est pas toujours illustré de brillante façon.
Le dessin semi-réaliste, tout en rondeurs, est l’œuvre de Mini Ludvin qui donne une belle qualité à tous ses personnages. Elle les anime avec beaucoup d’énergie et propose des silhouettes bien adaptées aux protagonistes. Les décors sont superbes et son goût du détail amène des précisons fort plaisantes.
La mise en couleurs chaudes d’Hélène Lenoble fait merveille pour restituer la lumière de la région.
Bien que cette série vise un public jeune, elle séduit toutes les tranches d’âge. Ce second tome est très plaisant à découvrir pour sa fraicheur, sa tonalité, pour son histoire attractive emmenée par une héroïne si « trognon ».
serge perraud
Audrey Allwett (scénario), Christophe Arleston (scénario), Mini Ludvin (dessin) & Hélène Lenoble (couleurs), Le Grimoire d’Elfie – t.02 : Le Dit des cigales, Bamboo, label Drakoo, novembre 2021, 80 p. — 15,90 €.