De l’écrivain à l’autrice : entretien avec Rim Battal (Les quatrains de l’all inclusive)

Celle qui veut relire “Pre­mier Amour de Beckett” et “Le bleu du ciel” de Bataille ne peut être qu’une autrice consé­quente. Ses textes sont là pour émou­voir et inter­pel­ler, afin de dire le corps et son désir au sein d’une culture où « ces choses là » res­tent encore des tabous. Dans ses pho­to­gra­phies comme dans ses textes, la créa­trice assume le sta­tut de fémi­niste : « logi­que­ment, toutes les femmes, sans dis­tinc­tion d’âge, de classe, d’ethnie, ou de croyances devraient être fémi­nistes : c’est sim­ple­ment sou­te­nir que la femme est l’égale de l’homme » précise-t-elle.
C’est pour elle un com­bat d’émancipation — et plus par­ti­cu­liè­re­ment de la femme maro­caine : cha­cun (homme ou femme) la réduit avec une enve­loppe « que l’on nour­rit, que l’on entre­tient, lave, pré­serve mais qui ne nous appar­tient presque plus ». A ce titre Rim Bat­tal a défendu la dépé­na­li­sa­tion de l’avortement au Maroc.
L’art et la poé­sie à ce titre res­tent des manières de lut­ter, d’imposer le droit aux femmes, d’évoquer leur vie intime, leur sexua­lité et de pro­po­ser leur propre carte du monde.

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le réveil-matin.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Je vou­lais deve­nir écri­vain, je suis deve­nue autrice.

A quoi avez-vous renoncé ?
Etre pro­phète en mon pays.

D’où venez-vous ?
Du verbe, de la parole, de la chan­son clas­sique arabe, de la chan­son popu­laire, du ventre des cheikhat.

Qu’avez-vous reçu en “héri­tage” ?
L’audace et l’ambition de mes parents, leur humour, leur déter­mi­na­tion, leur façon élé­gante de frau­der, de négo­cier avec la vie, leur talent pour racon­ter des choses vraies ou fausses qui deviennent vraies une fois racon­tées. Et 100 mil­lions d’euros.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Me maquiller, choi­sir mes habits pour la jour­née, mon armure. Chi­ner des habits dans les fripes, ache­ter des livres, lire et écrire, écou­ter des pod­casts, ran­ger en écou­tant des podcasts.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres poètes ?
Le panache, l’absence de fausse pudeur, la fran­chise. Je ne suis pas non plus inti­mi­dée par la langue : si je cherche la mesure et l’ancrage dans ma vie, la langue est pour moi un lieu de trans­gres­sion : je pro­fane la langue sans scrupules.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Le géné­rique de fin de Olive et Tom.

Et votre pre­mière lec­ture ?
Une catastrophe.

Quelles musiques écoutez-vous ?
J’écoute de tout. Les der­niers mor­ceaux sont les sui­vants : Roche de Sebas­tien Tel­lier, Ancora Tu de Róisín Mur­phy et Let­tera de Babx.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
“Pre­mier amour” de Beckett et “Le bleu du ciel” de Georges Bataille.

Quel film vous fait pleu­rer ?
“Les amants du Pont-Neuf” de Leos Carax. Je ne l’ai vu qu’une fois, je suis inca­pable de le revoir.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Celle que j’ai tou­jours rêvé d’être.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Mathieu Amalric.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Tar­faya, une ville à 800km de Marrakech..

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez la plus proche ?
Sarah Bat­ta­glia et Lau­rette Mas­sant qui sont des amies aussi, Guillaume Marie, qui est aussi un ami.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Une bourse du CNL ou du Minis­tère de la culture du Maroc A VIE ! Ahaha — En atten­dant, je me conten­te­rai de bagues Oeil et bagues Sans fin de chez Dorette, une oeuvre de Anuar Kha­lifi ou Apo­lo­nia Sokol, des boucles d’oreille Cha­nel, une montre Car­tier, du lit de Peter Maly chez Ligne Roset (meilleur bureau du monde), des chaus­settes Chris­tian Dior, n’importe quoi de chez Schia­pa­relli, des fleurs, des recueils de poé­sie contemporaine.

Que défendez-vous ?
Le choix. La pos­si­bi­lité de choisir.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : « L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas »?
Rien, puisque j’en ai, moi, de l’amour. J’en donne et j’en reçois à profusion.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : « La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ? »
Je pense qu’il doit avoir un rap­port très pro­blé­ma­tique au consentement.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
« Com­bien je vous dois ? ».

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 19 novembre 2021.

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