Un premier épisode prometteur
Marc Levy avait dans ses tiroirs la bible de quelques épisodes pour la télévision, un projet qui ne s’était pas concrétisé. L’idée a germé quand le romancier prend conscience, par les dires de son père, par la lecture d’un article, du nombre impressionnant de personnes disparues pendant la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi, alors, ne pas imaginer une équipe recherchant les traces d’individus évaporés pendant des conflits ?
La co-écriture avec Sylvain Runberg s’est faite naturellement par l’entremise d’Espé qui avait déjà travaillé avec Marc Levy.
L’Agence des Invisibles se compose d’une équipe de professionnels aux compétences très diverses, allant de l’art de traquer les informations de toutes natures à l’art de traquer, sur le terrain, les faits et les indices. Cette première enquête, un récit complet, est initiée par Julia Müller qui débarque au siège de l’agence, à New York pour faire rechercher son père, disparu avec son bombardier lors d’un raid en 1941 au-dessus de l’Angleterre. À cette époque sa mère, enceinte d’elle, a quitté avec ses parents l’Allemagne pour les États-Unis.
L’équipe, épaulée par une nouvelle venue issue de la DGSE, se met au travail, recherche toutes données sur cette année-là. L’un d’eux découvre la une d’un journal local qui rapporte, dans son édition du 24 novembre 1941, qu’un habitant a entendu passer un avion volant de nuit à basse altitude dans le village de Knigton.
Une partie de l’équipe se rend sur place mais, dans l’agglomération florissante, personne n’a eu connaissance d’un tel fait. Pourtant…
Les auteurs proposent une intrigue ingénieuse autour de la disparition d’un bombardier, de la population d’un village qui fait front devant une équipe d’enquêteurs privés. L’idée de base est intéressante, son développement maîtrisé et les diverses péripéties amenées de belle manière. Les scénaristes jouent avec les diverses facettes de la nature humaine, créant des dissensions, des jalousies qui entravent la recherche de la vérité, jusqu’à un dénouement séduisant.
Espé, avec son dessin semi-réaliste, en alternant l’usage de la tablette numérique et le bon vieux papier au format A3, donne vie à une belle galerie de personnages. Ces planches sont servies par une mise en scène qui assure, par son découpage précis, une belle lisibilité. Les décors, comme les détails, sont soignés, explicites et nombreux.
Avec cette première enquête qui plonge dans un passé récent, les auteurs, tant ceux tenant la plume que ceux maîtrisant crayon et pinceau, offrent un bel album, réjouissant pour son histoire, son intrigue et pour le plaisir des yeux.
serge perraud
Marc Levy (scénario), Sylvain Runberg (scénario), Espé (dessin) & Degreff (couleurs), L’Agence des Invisibles - Enquête 1 : Friedrich Müller, Philéas/Versilio, septembre 2021, 88 p. – 15,90 €.