La tradition du deuil et de la douleur en Sicile
Armando Rotoletti métamorphose le réalisme en une vision spectrale qui ramène vers l’antique ritualité des gestes immuables.
La mort est mise en scène dans un noir et blanc qui souligne une vision baroque d’une Sicile immémoriale marquée par la tragédie.
Chaque séquence raconte et exalte des moments clés de l’esprit des lieux.
L’artiste a pour but de montrer une culture induite de tragédie grecque, de théâtralité espagnole, de célébrations religieuses et de rites païens.
Tout reste en cette Sicile, transcendé par des prises où sont dilatés le viscéral et le passionné : festin de vie, temps de mort.
Rotoletti travaille sur la tradition du deuil et de la douleur en Sicile depuis près de trois ans pour la fixer dans des images qui dépassent largement le document social et ethnographique.
Ce qui est destiné à disparaître se joue ici selon une iconologie qui semble immuable depuis des siècles. Visions baroques et objectivité du reportage mettent en scène les cérémonies mortuaires selon une vision vertigineuse et prégnante.
On pense parfois à une vision du Guépard de Visconti mais selon une version moins légère, là où la couleur laisse la place au noir que le blanc souligne dans des décors sublimes du deuil.
C’est comme si la mort en Sicile était “vécue” plus passionnément et viscéralement qu’ailleurs entre des moments paroxysmiques et une notion d’éternité. Le deuil est transcendé dans les “festivités” qui l’accompagnent là où la photographie offre un voyage extraordinaire.
Il dépasse le réel et fait entrer dans le mythe d’un temps sans âge.
jean-paul gavard-perret
Armando Rotoletti, Death in Sicily, Chiesa di San Vincenzo Ferreri, Ragusa Ibla, du 29 octobre au 21 novembre 2021.