Dans Caracas, la ville la plus dangereuse du monde…
Avec Magdalena, Juan Carlos Méndez Guédez met en scène une détective aux méthodes singulières. Elle a une belle capacité à analyser les faits et les indices qu’elle peut récolter mais bénéficie de dons que lui accorde Maria Lionza, une déesse guerrière vénézuélienne. Celle-ci lui envoie des intuitions soudaines qu’elle ne maîtrise pas toujours.
Sa bonne réputation d’enquêtrice lui amène des affaires difficiles à résoudre. Elle a quitté son Venezuela natal pour s’installer à Madrid.
Magdalena déguste un dessert à Aix-en-Provence. Elle a fui Madrid et José María, son amant par trop envahissant. Cependant, elle se sent suivie. Alors qu’elle savoure un café sur une terrasse, un jeune homme l’aborde l’appelant par son prénom. Elle pense avoir affaire à un sbire envoyé par José. En utilisant toutes les ruses d’un espion en territoire ennemi, elle va à Marseille… pour le retrouver, qui l’attend, devant le magasin où elle était entrée.
Il ignore tout de José. Il est là pour l’engager. Mais, elle doit le suivre à Madrid pour connaître la mission qu’on veut lui confier, un travail bien payé qui concerne une affaire au Venezuela. Elle finit par accepter et rencontre un homme politique en disgrâce qui lui demande de retrouver Begoña, sa fille aînée, disparue à Caracas. Dans son dernier message, elle faisait part de sa peur. La somme proposée convainc Magdalena. Elle part dans son pays natal, pour Caracas, la ville la plus dangereuse du monde.
Sur place, elle renoue avec quelques anciens amis quand elle était étudiante à l’université.
Mais dans une capitale où la violence, la corruption sont instituées en règle de vie…
Sur les pas de la détective, le romancier explore plusieurs quartiers de la capitale, faisant une description de l’atmosphère qui y règne. Il raconte la situation politique, sociale, et humanitaire de la capitale. Et c’est tragique, catastrophique de constater un tel niveau de décrépitude dans un pays où le pétrole coule à flots. S’il dépeint la vie quotidienne d’habitants, les pénuries, les carences, il décrits les milices, les bandes armées, plus ou moins soutenues par le gouvernement, qui sème la terreur dans la population. L’enlèvement, avec demande de rançon, est la principale activité de groupes armés et source de revenus. L’auteur raconte la terreur quotidienne et ne ménage aucunement son héroïne.
Celle-ci est une femme libre qui mène sa barque, qui assume sa vie sexuelle et ses envies face à un homme qui lui plait. Elle boit une grande quantité de chicha morada, une boisson non alcoolisée fabriquée à partir de maïs violet.
Méndez Guédez donne une intrigue fort subtile dans le contexte de Caracas, utilisant au mieux tous les travers humains, la trahison, la duplicité, le mensonge, la tromperie et la cupidité. Avec son héroïne, ses attitudes, ses réactions, ses réflexions, il distille beaucoup d’humour, mais un humour décapant, bien en phase avec les situations qu’il décrit.
Le romancier est dans la même situation que son héroïne. Après des études universitaires sanctionnées par un doctorat en littérature, il est venu s’installer à Madrid. Ce qui ne l’empêche pas de retourner au pays natal. Ainsi, le présent roman a été écrit entre mai 2015 et février 2017 lors de séjours à Aix-en-Provence, Caracas et Madrid.
La Vague arrêtée, ce titre est tiré d’une légende relative au mont Avila, la chaîne montagneuse qui domine Caracas, qui risque à tout moment de l’engloutir. Avec ce magnifique roman, Juan Carlos Méndez Guédez fait connaître une héroïne que l’on a très envie de retrouver, peint le portrait d’un pays en crise effroyable et suscite un bel intérêt pour une intrigue palpitante.
serge perraud
Juan Carlos Méndez Guédez, La Vague arrêtée (La ola detenida), traduit de l’espagnol (Venezuela) par René Solis, Métailié, “bibliothèque hispano-américaine — Noir”, octobre 2021, 304 p. – 22,00 €.