La littérature ouverte à sa propre objectivité
Dans son essai, Georges Sebbag prouve combien chez Gombrowicz l’imaginaire ne dépeuple en rien la raison : elle lui permet de trouver à travers ses écrits des cassures.
Il s’agit non de laisser le “moi” comme le monde vacants mais de les comprendre afin de mettre fin à des déterminismes autant politiques que littéraires.
Sebbag propose une nouvelle ouverture, un nouveau change sur ce que l’écrivain polonais engagea. Son ambition fut grande, ses textes parfois difficiles ou remuants mais la plupart sont pourtant d’une grande clarté. Et Gombrowicz prouva que ne pas se plier aux contraintes imposées ne doit pas impliquer de se replier dans un nouveau jeu d’apparences.
Cela reviendrait en effet à refaire du même et de la ressemblance par une voie détournée mais qui ramènerait dans les mêmes ornières.
Pour l’auteur et comme le souligne son commentateur, la littérature est un fait objectif, un objet qui change mais qui en même temps ne peut se réaliser sans un certain « je » qui la crée et l’impose. Elle est donc individuelle mais se veut ouverte à sa propre objectivité. Il y a donc confrontation d’une objectivation de la langue et de la pensée à travers une subjectivité qui se refuse à un emprisonnement dans des histoires d’intimité erronée qui feraient du créateur comme de ses personnages ou de ses mythologies des ersatz mythologiques.
L’oeuvre est passée au crible dans sa réalité intangible. Cassant les certitudes, l’auteur refusa les systèmes binaires de reconnaissance immédiate et des symboliques considérées comme irréductibles et incontournables.
Sebbag rappelle aussi comment l’oeuvre de dégage de toute idéalisation enchanteresse qu’il démembre.
Pour le Polonais et ses mentalisations intempestives, les visions sont plus complexes et ce, contre les corps découpés et “enjolivés par le marketing” de pensées à consommer bien vite tant leurs dates de fraîcheur étaient — déjà à son époque — comptées.
jean-paul gavard-perret
Georges Sebbag, Gombrowicz mentaliste, Tinbad, coll. Essai, Paris, 2021, 168 p. — 18,00 €.