En 1911, Les Artilleuses, Lady Audrey Remington, Miss Kathryn Winchester et Mam’zelle Louison Gatling, trois jeunes femmes, vivent de vols et de braquages. Elles se retrouvent impliquées dans une étrange affaire. Une bague royale a été dérobée. Cette sigillaire, symbole de l’allégeance d’un royaume, est convoitée par les services secrets français, allemands, par les agents de l’Outre-monde et quelques voyous.
Une terrible bataille a permis l’enlèvement de Lady Remington par les agents du colonel Ekermann des services secrets allemands. Ayant échoué à faire parler sa prisonnière, il la condamne au gibet au château du Haut-Kœnigsbourg, en Alsace allemande. Elle a la corde au cou, la trappe s’ouvre sous ses pieds, elle tombe alors qu’un coup de feu éclate. La balle coupe la corde. Audrey chute dans la partie passager d’un side-car conduit par Louison. Elle et son engin étaient cachés sous la potence. Après une fuite éperdue, elles retrouvent, du côté français de la frontière, le capitaine Jules Bormange qui a mis tous les moyens pour aider à sauver Audrey contre la remise de la Sigillaire. Cette bague était cachée entre les seins de Kathryn.
Mais les Allemands, La reine d’Ambremer et les voyous, trafiquants ne désarment pas pensant qu’elle est toujours en possession des Artilleuses.
Le récit est installé dans un univers étonnant qui conjugue deux mondes, celui des humains de la Belle époque et celui des Merveilles avec des fées, des gnomes des dragons et autres entités féériques. Cependant, il prend en compte des situations historiques comme l’hostilité entre la France et l’Allemagne. À cela s’ajoutent des tensions avec le monde de la féérie. L’intrigue privilégie l’aventure et l’action avec des courses poursuites, des fusillades, des explosions, d’étranges engins volants, des matériels roulants dopés.
Miss Remington est une tireuse d’élite, Louison apprécie l’usage des explosifs et ne se prive pas de satisfaire sa passion. Ces trois aventurières sont entourées par une belle galerie de protagonistes plus ou moins fantastique, des services secrets sans scrupules, des policiers et gendarmes toujours en retard d’une longueur.
L’humour est distillé tout au long du récit entre les situations décalées et les réparties des héroïnes face à leurs adversaires ou alliés. On peut toutefois regretter que l’abondance de révélations dans le dernier tiers de l’album gène la lecture. Le dessin d’Étienne Willem se partage entre réalisme et caricature. Mais il construit une bonne troupe d’intervenants du monde des Merveilles. Il met en scène avec maestria les scènes d’action, les poursuites, les combats, les déflagrations et leurs conséquences. Il génère un dynamisme certain à toutes ces aventures.
Il campe ses personnages de belle façon les rendant indentifiables tout au long des planches. Les décors sont superbes et magnifiés par un trait léger. Il aime le détail qui fait mouche, qui apporte un plus. Il faut s’attarder sur ses vignettes car il glisse souvent quelques points supplémentaires qui interpellent ou font sourire.
Tanja Wenisch a la charge de la mise en couleurs. Elle propose des teintes vives, des peintures gaies, éclatantes ou ternes selon que l’on regarde les Artilleuses ou les représentants des forces publiques. Des rumeurs (fondées !) évoquent l’adaptation de la saga écrite par Pierre Pevel, Le Paris des Merveilles avec Étienne Willem au dessin, dès 2022.
Ce troisième tome est très plaisant à lire car le récit est vif, les actions sont toniques et le sombre complot politique bien ourdi. Le tout est servi par un graphisme séduisant.
serge perraud
Pierre Pevel (scénario), Étienne Willem (dessins) & Tanja Wenisch (couleurs), Les Artilleuses – t.03 : Le Secret de l’Elfe, Bamboo, Label “Drakoo”, novembre 2021, 56 p. – 14,50 €.