Un univers singulier et marquant
Une île sauvage où le Mal domine en maître. Une famille qui s’empare de ces terres pour y régner et implanter une dynastie. Pour cela, il faut éradiquer ce Mal qui prolifère depuis la nuit des temps. Cette épopée médiévale où se mêle sorcellerie, magie, monstres et animaux fabuleux, légendes, croyances et ambitions démesurées, offre une lecture captivante.
Riche en rebondissements, le récit ouvre sur des perspectives de développement singulières.
Sioban est une Sudenne, dont le père a conquis le pays. Cette jeune femme a été l’héroïne de quatre albums du premier cycle, quand Jean Dufaux faisait découvrir un pays, une lande, ses écrits anciens et ses légendes (Dargaud, 1993 à 1998). Puis le scénariste s’est intéressé, et de très nombreux lecteurs avec lui, aux Moriganes, des sorcières qui avaient infesté les landes avant l’arrivée des Sudenne. En remontant plus loin, Jean Dufaux a trouvé traces de sorcières. Celles-ci ont sévi encore plus avant dans la passé, installant le Mal qui s’est emparé de toute l’île d’Eruin Dulea, l’île des Landes perdues.
Sioban revenait sans cesse, sous une forme ou sous une autre, et elle a fini par s’imposer au scénariste pour un quatrième cycle.
Devenue reine des Sudenne, Sioban accompagnée par Seamus, un Guerrier-du-Pardon, rend visite à son oncle, Lord Heron. Avant d’arriver, elle veut contempler la Porte des gardiens, cette porte que personne ne peut ouvrir et qui protège le royaume d’une terrible menace. Lorsqu’ils arrivent, un guerrier, à la tête d’une petite troupe, se fait fort de forcer la porte… sans succès. Il se met en colère quand le gardien lui dit qu’il n’appartient pas à la légende, et menace celui-ci. Sioban s’interpose et le met à terre après un court combat.
Si son oncle lui raconte comment son père a pu régner, il lui présente sa fille Aylissa. Seamus met en garde Sioban contre sa cousine car de fâcheuses rumeurs courent sur son compte. Celle-ci propose une promenade à cheval pour faire plus ample connaissance. Elle l’emmène à la faille. Avec sa monture, elle franchit la tranchée, mettant sa cousine au défi de faire de même. Sioban échoue et tombe dans le ravin. Elle survit à sa chute et découvre un peuple banni, des hommes qui vont l’aider à révéler son destin…
Pour ce cycle, c’est Paul Teng qui prend le relais avec un dessin réaliste. Les personnages sont beaucoup représentés en buste, voire seulement le visage pour renforcer une expressivité et les émotions éprouvées. Parallèlement, il signe des décors de belle facture. Ses animaux de légende, tels les dragons et autres monstres, dégagent une réelle impression de puissance. La colorisation est due au talent de Bérengère Marquebreucq qui privilégie les teintes froides, sombres, rendant parfaitement l’atmosphère qui pouvait régner dans cette région, prenant en compte l’éclairage réduit par l’usage des torches et autres chandelles.
Lord Heron, qui ouvre ce nouveau cycle, éveille un bel intérêt avec une histoire que l’on pressent dense, mise en images par un duo de créateurs au talent incontestable.
lire un extrait
serge perraud
Jean Dufaux (scénario), Paul Teng (dessin) & Bérengère Marquebreucq (couleurs), Complainte des Landes perdues — Cycle 4 – t.01 : Lord Heron, Dargaud, octobre 2021, 64 p. – 15,00 €.