De la grande aventure à la quête initiatique
Bien que ce soit d’abord un récit d’heroic-fantasy, il a de formidables connexions dans Vesper avec le monde qui nous entoure, avec les horreurs de nos sociétés actuelles, dans lesquelles le scénariste puise largement.
En 1151 sur Etheria, pour échapper aux guerres et aux persécutions, les nomades Sorajis migrent vers le Continent central, le royaume de Sylvaestris. Face à cet afflux, les responsables réagissent et, par une lutte acharnée, repoussent les nomades qui, cependant, réussissent à prendre Valestiel, la cité sainte. Le siège est sans pitié et, en 1159, seuls quelques milliers de survivants réfugiés derrière des murailles imprenables, résistent encore, affamés, assoiffés.
Les assaillants bénéficient du renfort de Crimson Nyx, le prince bâtard à la tête de ses troupes. Celui-ci peut compter sur Vesper, nommée L’Amazone des chevaliers de Nyx. Pour ouvrir une brèche, elle décide d’utiliser la langue éthérée, un sacrilège au regard de la religion officielle. Ce sacrilège est efficace car il donne la victoire.
Le cardinal Murgleis est heureux de regagner la cité sainte pour que l’Oracle professe l’Ekklesia. C’est un inquisiteur qui se présente pour préparer l’arrivée de l’Oracle. Lui et ses compères ont pour mission d’évincer les Chevaliers de Nyx. Ces religieux ourdissent un complot contre le prince bâtard et Vesper en les accusant de sorcellerie. Ils sont arrêtés et remis entre les mains de l’inquisition…
Les complots, traitrises, trahisons dominent le récit. Il faut se débarrasser de ceux que l’on a tolérés quand ils étaient utiles. Mais, la victoire obtenue, les cloportes sortent des trous, dénoncent, dénaturent, trafiquent, mentent de façon éhontée. Et ce sont les religieux qui sont aux premières loges dans cette ignoble pantomime. Pour asseoir leur pouvoir, ils sont prêts à toutes les vilénies.
Parallèlement, Jérémy propose une suite de combats, de fuites pour préserver ce qui peut l’être encore en dotant l’héroïne d’une double personnalité héritée de sa mère, mi-humaine, mi-chimère. Si elle possède des pouvoirs très puissants en pouvant maîtriser les éléments primaires, elle doit, pour les utiliser, faire appel à une ancienne langue interdite dans le royaume. Sorcellerie, magie, luttes mortelles, dangers toujours présents venant d’une faune prédatrice, de groupes humains dévoyés cadencent le récit.
Outre l’écriture du scénario, Jérémy réalise entièrement le graphisme. Il assure un dessin réaliste tant pour les personnages humains que pour ceux à l’apparence bestiale. Il les campe avec force et donne à tous des attitudes très évidentes. Certaines des scènes sont assez sévères, le créateur n’hésitant pas à montrer la torture pratiquée par l’inquisition. Les combats et autres séquences fortes en tension sont rendues avec la force qui leur sied. Les décors sont impressionnants et servent une mise en scène spectaculaire.
Jérémy propose, pour prolonger l’aventure, un jeu vidéo qu’il a conçu, disponible sur www.ether-saga.com.
Avec L’Amazone, ce premier tome ne se contente pas de planter le cadre mais fait entrer très rapidement dans le vif du sujet. Un bel album tant pour une histoire qui commence avec force péripéties que pour les superbes planches qui portent le récit.
serge perraud
Jérémy (scénario, dessin et couleurs), Vesper – t.01 : L’Amazone, Dargaud, octobre 2021, 56 p. – 14,50 €.