La possibilité d’un miracle
Le prix Goncourt de la poésie est a priori dérisoire. La poésie, la vraie, ignore le temps. Certes, on pourrait en dire autant du roman même si a priori il en est plus tributaire.
Toutefois, en cette année 2021 Jacques Roubaud sauve la mise.
Sous forme de sortes de haikus, il s’adonne à une vacation subtilement farcesque car même si les remparts ” du château enfantin croulent / donne moi la main / vers les vagues / qui vont en Espagne, et reviennent”.
D’où les balades que propose l’auteur au fil des jours.
Après avoir déçu dans ses précédents livres, le vagabond reprend sa marche en s’éloignant d’une part des vers de mirliton et d’autre part des expérimentations. Pour ce « road movie » poétique, Roubaud se passe de tout artifice.
Comme il l’écrit dans le titre, les poèmes sont “simples”. Si bien qu’il se rapproche ici de Queneau en de tels exercices de style.
Une sorte de gouaille est de retour. Tout se joue par petites touches. Elles rapprochent le haiku d’une sorte de vie du réel avec ça et là des retours amont sur des années “oisives certaines / d’autres moins”. Le lecteur vit sur les chemins de l’auteur.
Celui-ci reste — si nous le lisons bien — plein d’espoir pour le monde et croit à la possibilité d’un miracle.
Preuve que Roubaud vit toujours ses rêves d’enfants même s’il pense avoir perdu beaucoup de temps avec le temps. Mais il sait nous faire sourire dès que c’est possible.
Sans routine, il s’en remet à sa totale inspiration de l’instant. Et elle abonde.
Transcendé par l’existence comme par la poésie, l’auteur ne se répète jamais Et cela reste son impératif catégorique même si, dans notre époque troublée et en dépit de ce qu’il garde chevillé au coeur, quand “l’automne dévêt / les arbres momentanés”, le printemps à venir peut toujours nous trahir.
jean-paul gavard-perret
Jacques Roubaud, Chutes, rebonds et autres poèmes simples, Gallimard, coll. Blanche, Paris, 2021, 100 p. — 12,00 €.