Patrick Rambaud, Tombeau de Nicolas Ier et avènement de François IV

L’ultime volume des Chro­niques du règne de Nico­las Ier

C’est une réac­tion vis­cé­rale qui a poussé Patrick Ram­baud à écrire une chro­nique facé­tieuse, sati­rique et déca­lée sur les pre­miers mois du man­dat de Nico­las Sar­kozy. Il avait besoin d’exprimer ses sen­ti­ments à la vision du cirque média­tique mené par cet élu (qui se pre­nait pour un monarque) et par son entou­rage de cour­ti­sans, d’arrivistes, de trans­fuges…
Ce livre fut remar­qué, appré­cié, par nombre de per­sonnes rele­vant de toutes les caté­go­ries sociales. Encou­ragé, presque poussé, par l’enthousiasme popu­laire, le chro­ni­queur se retrouva ainsi, le porte-parole d’un vaste public qui jugeait affli­geant, gro­tesque et peu ragoû­tant, le spec­tacle donné par cette clique au pou­voir.
Mais, pour Patrick Ram­baud, cette chro­nique était deve­nue, au fil des années, une épreuve. Il lui fal­lait se tenir informé quo­ti­dien­ne­ment des faits et gestes du Monarque et de ses affi­dés. Le dégoût s’était ins­tallé tant l’attitude du Prince était pré­vi­sible, struc­tu­rée autour d’un schéma sim­pliste com­posé de ficelles gros­sières de boni­men­teur, d’actes mépri­sables, de men­songes per­ma­nents. Cette vision avait de quoi rebu­ter tout indi­vidu nor­mal. Aussi, c’est avec un immense sou­la­ge­ment que l’auteur a vu la fin de ce qui était devenu une galère quand Le Poten­tat a suivi le conseil qui ter­mi­nait la Cin­quième chro­nique : déga­gez !
C’est donc avec une plume légère, alerte et inci­sive qu’il a entamé, pour la der­nière fois, la rela­tion des faits et évé­ne­ments cou­rants de l’été 2012 à l’été 2013.

Patrick Ram­baud débute cet opus par ce qui n’avait été qu’esquissé lors de la pré­cé­dente chro­nique : les péri­pé­ties, aux Amé­riques, de M. Sin­clair de Strauss-Kahn et la pour­suite, pour le Prince Per­fide, d’une cam­pagne pré­si­den­tielle mas­quée (aux frais des contri­buables) avec l’envoi de quelques hommes de mains pour lâcher des salves sur les ténors du Parti social et sur la duchesse de Sol­fe­rino.
Puis l’auteur évoque, de son inimi­table manière, les diverses affaires de l’automne, le Sénat qui vire au rose, la fin de Mouammar-le-Cruel. Il revient sur les Pri­maires du Parti social, le dis­cours de Tou­lon, la cam­pagne pré­si­den­tielle, le modèle alle­mand, l’affaire Merah, les ultimes rebon­dis­se­ments avant l’élection de Fran­çois IV et son ins­tal­la­tion au château.

Asso­ciant le ton facé­tieux du Canard Enchaîné et le style grand siècle de Saint-Simon, il dresse le récit guille­ret de ces dif­fé­rents évé­ne­ments, ponc­tué des tru­cu­lents por­traits des prin­ci­paux acteurs. Il donne l’historique et le fonc­tion­ne­ment de struc­tures comme les agences de nota­tions, explique l’émergence du tweet et son usage par­fois dévas­ta­teur. Il livre, d’un ton badin, nombre de réflexions per­ti­nentes tant éco­no­miques que struc­tu­relles, d’analyses tant poli­tiques que sociales.
Ceux qui taxent Patrick Ram­baud de parti-pris, voire d’antisarkosisme pri­maire, devraient mieux lire ses chro­niques. Il moque, en fait, les tares de toute la classe poli­tique, quel qu’en soit le bord. Les ténors et les seconds cou­teaux de tous les cou­rants poli­tiques ont droit au même regard acéré sur leurs déviances, sur leur dupli­cité, sur leurs magouilles.
Noyé sous un  flot d’informations par­cel­laires, sou­vent contra­dic­toires, voire men­son­gères, le citoyen ne peut tout rete­nir pour en faire la syn­thèse. La lec­ture de ces chro­niques per­met, en quelques heures fort diver­tis­santes, de remettre les faits dans leur contexte, de les dépouiller des sco­ries de l’instantané. Le docu­ment que livre Patrick Ram­baud, en béné­fi­ciant d’un léger recul, d’un regard railleur, ramène les évé­ne­ments, et les indi­vi­dus, à leur juste valeur, à leur réelle proportion.

On ne peut que se réjouir de savoir que l’auteur va retrou­ver une cer­taine séré­nité. Cepen­dant, en tant que lec­teur, on ne peut que regret­ter l’absence de cette livrai­son annuelle d’humour vivi­fiant et de vérité.

serge per­raud

Patrick Ram­baud, Tom­beau de Nico­las Ier et avè­ne­ment de Fran­çois IV, Gras­set, jan­vier 2013, 240 p. – 16,00 €.

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