Mahy évoque une espèce d’espace qui oblige à signaler qu” “en définitive là où nous croyons être est toujours ailleurs”. L’ordre de marche “à jour passant” n’abrège rien à l’espérance, l’imposture ou l’orgueil car la vie est ailleurs : dans un univers intérieur où le rapprochement se fait moins dans les décors que dans la manière de “prendre le temps / de nous regarder passer // en nous même”.
Sans cynisme mais avec un exercice certain de la solitude en naufragé de l’espèce qui sait se prémunir “de l’ampleur des multitudes”.
C’est une manière de reprendre sa vie, la dégager de fantômes là où “je”, “tu”, “nous” alternent et vont de pair. L’urgence est pour Mahy de créer, d’explorer, de méditer, de mettre à profit tout ce temps pour produire quelque chose de nouveau, couplée à l’impératif de la patience d’autant qu’il manque toujours un “pas” à nos aubes que le passage du temps rend moins primesautières.
Là résident le mystère magique et l’attirante générosité de ce livre où les poèmes sont aussi une invitation. Ils deviennent profondément, inexplicablement participatifs.
La forte charge émotionnelle exprimée provient essentiellement du fait que Christphe Mahy, à travers cette odyssée, traverse qui nous sommes et devenons. Il permet de nous reprendre en un sursis bienveillant.
C’est donc un merveilleux cadeau même si aller aux bois devient de plus en plus improbable au flâneur qui manque de souffle.
Quant à l’auteur, il n’en manque pas et reste marathonien de l’âme.
jean-paul gavard-perret
Christophe Mahy, A jour passant, Gallimard, coll. Blanche, Paris, 2021, 146 p. — 14,00 €.