Didier Ayres, Cahier Expérience, 14

Les textes qui forment le cahier Expé­rience ont été conçus pour la publi­ca­tion vir­tuelle sur la Toile. Ils sont donc un exer­cice de la vélo­cité, au pré­sent. Cela n’enlève en rien le tra­vail de recons­truc­tion du livret depuis le manus­crit, réservé exclu­si­ve­ment au Web. J’ai pensé que cette aven­ture litté­raire en ligne se rap­pro­che­rait peut-être de l’écriture de Paci­fic 231, sorte de calque de la musique savante sur un objet de la moder­nité, ici dans le sens inverse, créée pour, vers une tech­no­lo­gie comme sup­port.
Je tra­vaille donc au fur et à mesure pour livrer ces textes, qui sont des points de vue par­fois abs­traits sur ma connais­sance du monde.

Quand je suis dans cette ténèbre, je ne me rap­pelle rien de l’humanité ou du Dieu-homme,

ni de quelque chose qui ait une forme.

Angèle de Foligno

1.-

Un état de moi-même. Une vie dans l’art. Un souffle plus grand que moi.

L’art est un hôte. Une espèce de visi­teur. Il par­tage son secret, cette énigme dont il ne sait rien. Il va. Autant vers la nuit que vers le clair. Il est une somme.
Une vérité arbi­traire et uni­ver­selle. Nul­le­ment propre aux réa­li­tés. Il pré­fère l’enclos, la clo­se­rie de ses étincelles.

Art as expérience.

Comprendre l’art. En faire l’expérience esthé­tique.
En tout cas un accord devant la mise au jour — mise à la nuit. Inquiet arran­ge­ment. Et de ce fait devant l’œuvre. Rela­tion ima­gière. Rap­port. Contiguïté.

Ce car­net n’est pas le temps. Il s’inscrit dans la durée d’un vécu, ainsi que d’un re-vécu, d’une exhu­ma­tion. Échap­pant à la fic­tion du temps, il devient une fic­tion tout court.
Mais pour cela, il doit mou­rir, dis­pa­raître, se défaire de lui-même. C’est ce livre qui en est la preuve.

Là un monde tota­le­ment meuble, agité par sa pro­fon­deur, par sa lumi­no­sité directe ou obs­cure. Je ne cesse d’ailleurs d’en finir à chaque mot, poussé davan­tage par l’idée de ce que pour­rait être un ultime point de fuite, hori­zon — dans sa maté­ria­lité, fuite et but sans fin.

2.-

Je ne sais com­ment se figer, se fixer au sein d’un objet écrit.

Le car­net brûle en un sens, me brûle et me pousse à l’inexistence, c’est-à-dire qu’il m’efface. J’y suis absent pour l’éternité.
Et ce feu, cette corus­ca­tion est le bien élé­men­taire de toute réflexion a pos­te­riori, sur l’événement de l’écriture, laquelle comme tout feu, se consume en sa propre mort.

Est-ce dif­fé­rent de la des­truc­tion où par nature on se décons­truit, on se défait, on meurt ?
L’être est une fic­tion, être de papier supé­rieur à l’être de chair, lequel ne se défi­nit qu’en lui, avec la vigueur d’une idée, d’un prin­cipe, de cet adage connu : to be or not to be.

La pré­sence de la pen­sée va de soi pour celui qui empi­ri­que­ment se situe dans un sujet pen­sant, et ce fai­sant devient vola­til, s’exprime pour seule inter­ven­tion dans la réa­lité. De cela l’aspect du vide, un monde où tout est infini, mort infi­nie, chair infi­nie, esprit infini, cha­cun avec son propre infini, son lieu sans fina­lité, deve­nant une évi­dence conceptuelle.

Impré­ci­sion de ce qui est infor­mel, et avec elle le signe que l’on atteint à la racine de l’être, car toutes les voies, tous les véhi­cules sont bons à par­ve­nir à étof­fer cette notion, ces éclairs de clarté impré­cis, cette vue de soi comme fantôme.

Trans­mis­sion com­plexe de la durée nourricière.

Flui­dité.

 

Didier Ayres

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